No time to die

Old John's Kitchen

Putain, je déteste les centres commerciaux. Mais le vieux Danny voulait absolument de nouvelles bandes pour les gars à la salle. A croire qu’il est incapable de bouger sa bedaine d’alcoolique jusqu’ici tout seul. Bordel. Me voilà donc, capuche vissée sur le crâne -on ne perd pas les bonnes habitudes-  à arpenter les grands couloirs cirés du centre, esquivant les shoppeurs, un sac plastique qui pend de mon poignet, puisque mes deux mains aux cicatrices multiples sont fourrées dans la poche centrale de mon sweat. Tout est d’un normal affligeant et je m’étonne à slalomer presque trop aisément entre les différents corps qui font du lèche-vitrine afin de quitter les lieux. Mais j’aurai dû la sentir venir. Cette putain de merde !

Des coups de feu retentissent brutalement et ricochent entre les murs géants du centre commercial. Je n’ai le temps de rien que des gens affolés me bousculent de part et d’autre en fuyant les détonations à répétitions, beuglant comme des hystériques. Propulsé contre un mur, je grogne après ces enfoirés qui sauvent leur peau et une silhouette toute en noir débarque à cet étage, flingue en main. Putain ! J’me rends violemment compte de la situation merdique dans laquelle je me trouve. J’suis toujours prêt à sortir les poings, mais face à un gun, je n’ai aucune chance. J’suis peut-être cinglé mais pas encore suicidaire, on dirait bien. Et sous une cagoule aussi noir que le reste, je croise un regard haineux qui s’accroche au mien. Une sueur froide remonte ma colonne vertébrale et hérisse mon échine. Ce fils de pute me pointe de son canon et enfin mes pieds décident de détaler.

Le coup de feu résonne dans la seconde, et par instinct, je recroqueville ma carcasse contre la vitrine d’un shop en la longeant. Cette dernière éclate en milles morceaux dans mon dos mais je continues à cavaler derrière la foule. Une douleur aiguë perce pourtant mon épaule sans que je n’en définisse la source. Mes tympans bourdonnent sous l’effet de la dernière détonation trop proche, m’empêchant d’entendre ni de penser quoique ce soit. L’instinct de survie s’est enclenché, alors j’espace mes enjambées et bondis. Le type a l’air de suivre le mouvement si j’en crois les autres coups de feu qui retentissent sourdement comme si je me trouvais sous l’eau. J’crois que j’ai les tympans percés, bordel. Je grimace et pousse un juron quand mon épaule me lance au moindre mouvement. Putain, j'me suis pris une balle ?

Je profite de l’intersection pour virer, non sans glisser, directement sur la gauche et me jeter sur la première porte que j’y trouve. Si le cagoulé suit, au moins il n’a sûrement pas eu le temps de voir après le virage. Et je pousse une porte dans le mur d’un stupide coup d’épaule qui me fait râler. Je longe un couloir de sortie de secours en sens inverse et me retrouve dans des immenses cuisines professionnelles. Ça sent la bouffe ici et là, les équipements ont tous l’air en marche. Pourtant je reste silencieux et progresse lentement en soutenant mon épaule qui s’endolori méchamment. Mes tympans qui ne bourdonnent presque  plus perçoivent des mouvements à droite à gauche. Instinctivement, j’me ratatine, m’agenouille derrière un comptoir d’aluminium et essaie de me concentrer. La personne que j’entends fait un bordel monstre. Une œillade sur le plan de travail le plus proche et j’attrape le couteau aiguisé qui s’y trouve. Prêt à m’en servir, j’continue mon avancer. Et mon foutu palpitant va me rendre sourd à force de frapper mes tempes.

J’intercepte la première personne. L’instinct de survie qui glisse dans mes veines considère toute prochaine rencontre comme une menace. Alors quand je me sens assez proche du bruissement, j’attaque. Je pivote brusquement et chope la personne que je n’ai pas encore vu. Couteau dans mon poing, j’le glisse fissa sur l’inconnu, menaçant. J’essaie de faire abstraction de mon omoplate qui peine à suivre le mouvement et qui fait pulser une douleur aiguë irradiant le long de mon bras contracté. Je croise enfin des yeux… Des yeux familiers. Le caramel de ces iris n’appartiennent qu’à une seule et même personne : Heaven. Putain..

Le soulagement fait chuter mon taux d’adrénaline et je soupire en relâchant les épaules, comme ma posture hostile. J’étouffe un gémissement à cause de mon omoplate mais baisse toutefois la lame de ma main en même temps que mes doigts libèrent mon amie. « Heav’ bordel, qu’est-ce que tu fous là ? », je ne peux m’empêcher de grogner mes paroles à l’intention de la rousse, peu ravi de la trouver dans le même merdier que moi. « T’as rien ? » que je m’empresse de lui demander alors que je guette désormais les alentours, par précaution. « Y a des putains de dégénérés qui tirent partout dehors… Dis-moi qu’c’est pas un de tes prétendants qu’a pas digéré ton rejet. ». L’ironie, toujours. Elle est plus simple à utiliser dans ce genre d’embrouille pour étouffer les vrais emmerdes. Faut croire que j’suis abonné.

Et nous v'là accroupis l’un en face de l’autre, sous le niveau des plans de travail afin de rester le maximum possible à l’abri. Je finis par poser mon cul lourdement au sol parce que la douleur devient insupportable. Mon dos s’écrase contre un placard en aluminium dans un bruit sourd et un sourire crispé déforme ma gueule mal rasée suite à la brûlure que me provoque mes simples mouvements. Je clos les yeux, le temps d’ingérer l’élancement violent avant de soupirer. « Au moins, on crèvera pas d’faim… ». Et je reprends mon souffle, parce que j’ai bien l’impression qu’on n’est pas les seuls réfugiés ici.

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@Billy Bawl & @Heaven Berry & @Dan Duncan &  @Miles Maddox

No time to die

Old John's Kitchen

Un éclat perçant vrille mes tympans et interrompt brusquement l’échange. Ça flambe là-haut et ça risque de foutre le feu à toutes les cuisines. Pour se faire repérer, y a vraiment pas mieux, putain. J’me redresse tant bien que mal sans prendre le temps de répondre à la rousse qui s’inquiète. Et quand j’suis enfin debout sur mes guiboles, j’cache ma gueule en repliant mon bras devant à causes des flammes qui jaillissent de la poêle. J’regarde mon acolyte et la seule qui me vient en tête risque de vraiment pas lui plaire… « Ta veste !  Putain Heav’ ta veste ! » que j’lui lance en tendant ma patte pressée vers elle. Ouais J’sais qu’elle adore ce perfecto mais là, y a pas vraiment le choix. Alors même si elle râle et m’insulte elle commence à se défringuer. J’attrape enfin son simili cuir quand elle me l’envoie et l’enroule autour de ma main la plus agile. En gros, celle qui est pas lancée par la putain de douleur. Et j’attrape le manche de la poêle pour la retirer du feu…  et…  Putain ça flambe toujours et ça se propage. Merde. Ni une ni deux, je déroule la fringue de la rousse et finis par frapper les flammes avec afin d’étouffer le feu. J’grimace parce que ça me lance le dos méchamment mais je m’arrête pas. Heureusement j’peux compter sur la rouquine maligne qui m’asperge en même temps que le plan de travail et finit par faire cesser ce début d’incendie.

J’suis recouvert d’une poudre dégueulasse et blanche, et d’la fumée s’échappe de la géante plaque chauffante. J’pourrai gueuler et laisser mes putains d’émotions s’élever. Mais non, je bronche pas, mis à part pour pivoter légèrement ma tête, recouvert de ce produit et fixer Heaven. Fière, elle me sourit et brandit un extincteur encore fumant. « Ok, cool. Extincteur un, feu zéro. C’est pas si foireux comme renca... ». Pas le temps de terminer ma p’tite boutade de gars stressé. Un cris strident résonne dans la cuisine et me force à tourner ma gueule rapidement vers la source. Une donzelle prend ses jambes à son cou pour fuir je ne sais quoi. J’fronce les sourcils. Mon palpitant reprend du service. Est-ce que ces putains de tireurs viennent de débarquer ? Ni une, ni deux, mon premier réflexe est de ramasser la lame aiguisée que j’ai échappé en me redressant. Encore une fois, une grimace de douleur vient fendre ma tronche mal rasée et j’écarte mes doigts à même mon épaule. Je sens un débris, un putain de truc qui est plantée dans mon omoplate et je grogne à ma vénitienne. « Viens par là. Putain retire-moi ça ! »

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