Not all treasure is silver and gold ft Ingrid, Rose & Sigrid

When the night has come, and the way is dark, and that moon is the only light you see ; No I won't be afraid, no I-I-I won't be afraid ; Just as long as the people come and stand by me.

« Allez Papaaaa encore une fois, s’il te plaît ! Allez, allez ! » Les deux fillettes, confortablement installées dans leurs sièges auto à l’arrière, entament une série d’implorations et d’applaudissements en tout genre, arrachant un sourire à leur père qui les observe via le rétroviseur. « Une dernière fois ? » Elles grimacent, puis font mine d’acquiescer. Ben voyons. Il n’en croit pas un mot. Ce n’est ceci dit que la quinzième fois que la comptine passe dans la voiture, son cerveau de père dévoué n’en est plus à une près. Il éclate de rire en voyant Rose commencer à danser dès les premières notes – rire redoublant lorsque ses deux filles entament un concerto complètement faux mais absolument adorables dès les premières paroles. Le GPS interrompt leur prestation, voix robotique qui arrache quelques contestations enfantines mais qui lui permet de ne pas louper la sortie en direction du Louisiana Pirate Festival. Déjà presque trois heures qu’ils ont quitté la Nouvelle-Orléans tous les trois, dans l’optique de passer une petite journée en famille, bien que celle-ci soit incomplète. Julianna a dû se rendre à un congrès, Alarik occupé, Ingrid lui a donc proposé cette excursion qui ma foi, avec le soleil et les gamines survoltées en ce moment, tombait plutôt bien.

Eskil suit les indications de son routeur et des panneaux, surveillant du coin de l’œil les deux prunelles de ses yeux qui, bien qu’il ait la tête ailleurs en ce moment, parviennent toujours à le faire sourire. Il regrette que sa femme et son frère ne soient pas de la partie, c’est vrai. Mais une journée avec sa petite sœur et ses deux merveilles, c’est tellement rare qu’il ne faut en aucun cas la manquer. Une petite dizaine de minutes – et en ressenti, autant de comptines – passent avant qu’il ne parvienne à se garer sur le parking déjà bondé en ce milieu de matinée. Il jette un œil à sa montre – il avait dit dix heures à Ingrid, il a un peu de retard mais rien dont il ne devrait pouvoir se remettre en théorie – et ouvre sa portière. « Restez là mes puces, Papa sort les affaires et s’occupe de vous. » Hors de question de les lâcher au milieu des voitures et de la foule. Il sort la poussette du coffre, qu’il déplie, avant d’y ranger les sacs soigneusement préparés le matin même. Fidèle à sa réputation et à défaut d’être ponctuel aujourd’hui, il reste tout de même organisé. Il ouvre à Sigrid, qu’il détache et porte jusque dans la poussette avant de l’attacher, petit baiser sur le front déposé à l’envolée, puis s’occupe de Rose. Une planche à roulette, attachée à la poussette, lui permet de la garder près de lui et de lui éviter de trop marcher – fort utile, vu comme la journée s’annonce chargée. « On est parés, matelots ? » Elles trépignent, s’agitent – elles s’impatientent, crient de bonheur à cette question, faisant redoubler le sourire du suédois. Définitivement, le bonheur tient à peu de choses.


« Papa ! Regarde là-bas ! » Il entend à peine Rose dans le capharnaüm généré par le spectacle. La foule est immense mais dorénavant, il comprend pourquoi : le festival ne faillit pas à sa réputation. Tempête de couleurs et d’artifices pour un show à la hauteur de cette Amérique démesurée ; les pirates crient, chantent, brandissent épées et font tonner les canons, émerveillant les enfants au passage. Lorsqu’ils kidnappent le maire à la fin de leur prestation, ce sont des cris d’effroi qui retentissent dans le parc ; sa fille elle, loin de se laisser transportée par l’émotion, reste plutôt subjuguée par les costumes et les maquillages – c’est d’ailleurs l’un des pirates, soigneusement débraillés mais parfaitement maquillé, qu’elle lui montre en ce moment. « On va aller au stand de maquillage avec Tata, si tu veux. » Elle glousse, prunelles brillant d’envie et d’un bonheur qui font palpiter son cœur un peu plus fort encore. Il jette un œil à Sigrid, sagement attachée dans la poussette, avant de sortir son téléphone. Inutile d’espérer appeler ici, mais peut-être qu’un message suffira à aiguiller sa sœur sur leur position dans le parc. On va au stand de maquillage. Tu nous rejoins là-bas ? rapidement pianoté et envoyé avant qu’il n’applaudisse les figurants pour marquer la fin du spectacle et, un peu plus tard, reprenne la direction du stand tant attendu.