spooky time

(be afraid... be very afraid - @Fergus Murray)

Bon. Notre état de nerfs avait monté d'un cran, on ne pouvait pas se le cacher, et je voyais bien que Fergus était très peu rassurée par cette histoire de chuchotement - je l'étais tout autant, pour le coup. Et quand il m'indiqua d'arrêter mes recherches, Alice, je ne discutai même pas et obtempérai, bien trop contente de me tourner vers le whisky et les cartes pour nous changer les idées. L'idée, c'était cela, après tout : se faire un peu peur, certes, en cette soirée d'Halloween, mais aussi s'amuser, prendre du bon temps. Alors très vite je me pris au jeu et surtout je me pris au jeu de ma mission principale : Gus. Le faire sourire, lui parler, le faire rire. Chasser les rides de son front, ces petites rides d'inquiétude qu'il avait trop souvent en ce moment. Chasser aussi les traces de fatigue de ces yeux, au moins pour ce soir. Apporter plus de légèreté, juste penser à autre chose. Alors, du coup, je me mis à parler de choses et d'autres, à faire le pitre, à faire semblant de tricher ou à le menacer pour qu'il me laisse gagner, à le chatouiller pour le déconcentrer, ce genre de choses. Le whisky aidait aussi : petit à petit, il se distillait dans nos veines et nous détendait. Oh, Fergus n'était pas dupe de tous mes petits stratagèmes, et s'il faisait semblant de s'en offusquer, ça l'amusait au moins autant que moi. « Mais tu triche! Tu as encore gagné peste! Là plus de chance, je vais te battre à plate couture! » « Moiii, je triiiche ? Tu as des preuves peut-être ?! Car sinon, sans preuves... » Avec mes meilleurs talents de comédienne, je mimai tour à tour l'innocence et la menace, tandis qu'on se lançait dans une nouvelle partie endiablée...

Mais : un grincement sinistre, des bruits lourds, comme quelqu'un qui monte un escalier... Mais ce n'était pas du tout les bruits de tout à l'heure, quand le monsieur était venu nous voire. C'étaient des pas bien différents... Bien plus menaçants. « Tu as entendu les pas? » Je fis oui de la tête et me levai à sa suite. Non pas que j'avais précisément envie de voir qui faisait ce bruit... Plutôt que je n'avais pas très envie que l'on me rechuchote à l'oreille quand Fergus était loin de moi. Je me collai dans ce dos, agrippée au tissu de sa chemise. Ce fut étrangement rassurant de voir la femme de l'autre côté du couloir, une voisine, une personne comme nous... Normale. Je ne retins pas un sourire en entendant Gus lui parler, et attendis qu'il referme la porte. Personne n'était arrivé, personne n'avait déboulé de l'escalier : encore un mystère. Encore un bruitage bien calculé ? « C'est drôle dis donc, face à la dame tu avais l'air de n'avoir peur de rien !! » J'avais passé mon bras sous le sien, pour le remmener vers le lit. « Je suis flattée que tu gardes pour moi ta facette de poule mouillée... » Je laissai échapper un gloussement de rire, avant de me cacher derrière un coussin si jamais il tentait une quelconque attaque. « Tu vois! je suis pas dingue? Bon comme il n'y a rien… reprenons notre partie et cette fois ce sera un carnage! » Je me remis en position, avec une lueur de défi dans le regard. « Oh, vraiment ? Pour cela il faudrait que tu arrêtes de te laisser distraire par le moindre bru.... HIIIIIIIIIIIIIII ! »

Non mais : quoi ?!?! Le tonnerre avait éclaté, juste au-dessus du toit on aurait dit, et par instinct je m'étais jetée dans les bras de Gus. Ce bruit venait tellement de nulle part... Il m'avait prise par surprise. Il y eut un petit rappel, puis plus rien. Je me redressai d'un coup, après avoir jeté un coup d'oeil à Fergus. « Non mais là ! C'est n'importe quoi... » L'idée n'était pas de devenir cardiaque tout de même... J'allai pour me coller à la fenêtre qui, même si elle était sale et sombre, me laissait clairement entrevoir qu'il n'y avait aucune pluie, aucun orage dehors. « Tu vois : ce sont des sons enregistrés... C'est sûr. » Me triturant le bout du nez un instant, je tentai de faire le vide dans ma tête. Peut-être qu'en réalité... L'expérience dans cet hôtel ne se passait pas uniquement dans cette chambre ?... Prise d'une nouvelle idée, et probablement encouragée par le whisky que nous avions déjà bu, j'attrapai les mains de Gus et le tirai vers la porte, que j'ouvris. « Boban, j'ai une idée. A deux, on est les plus forts, pas vrai ? Allons fouiner un peu dehors, voir ce qu'il se trame. Comme ça, on en aura le cœur net, ok ? » Et je m'engouffrai dans le couloir.