Attack at The Fitzgerald

Une matinée comme les autres, à l’hôtel Fitzgerald. Ella s’était levée aux aurores, avait bu un café et s’était mise au travail, machinalement. Le week-end avait été chargé pour tous les employés, les clients avaient été nombreux, et Ella savait que le plus dur était à venir pour elle : nettoyer toutes les chambres. Elle le faisait machinalement, maintenant, tâchait de ne pas faire trop attention à ce qu’elle pouvait voir et trouver. Si elle avait été plus curieuse, elle se serait sûrement amusée à deviner qui était les occupants des chambres. L’état dans lequel ils et elles les laissaient en disait long sur eux, leur caractère, leur occupation… Mais Ella ne voulait pas savoir. Son métier, c’était seulement de nettoyer. Et même si ça ne la passionnait pas le loin du monde, elle le faisait consciencieusement. Ce matin du 29 mars, à 8h30, Ella avait déjà fait 3 chambres, que les clients avaient laissé en plutôt bon état. Poussant devant elle son chariot de nettoyage, les mains sans gants - elle ne les supportait pas, même si ça lui abimait terriblement la peau -, Ella arriva depuis la suite 231, et ouvrit machinalement la porte avec son badge. L’odeur qui régnait dans la chambre la sortit brutalement de sa torpeur. Ella n’avait jamais senti quelque chose comme ça. Une odeur âcre, pestilentielle… une odeur de sang. Ella enfouit son nez dans son avant bras, pestant intérieurement. Qu’est-ce que l’occupant des lieux avait bien pu faire ici ? Décidément, quand elle croyait avoir vu les pires choses, il y avait toujours quelque chose d’autre à voir…

Ella avança de quelques pas, sans son chariot, histoire de voir l’étendue des dégâts. Sa dernière pensée, avant que tout bascule, fut qu’il faisait beaucoup trop chaud dans la pièce, comme si les radiateurs avaient été poussés à fond. Et cette odeur… Tout devint flou, brusquement. Un homme apparut, le visage cagoulé, et surtout, ce liquide rouge, si reconnaissable - du sang - partout sur les bras et le torse. Ella se figea, abasourdie, au point de ne pas réagir quand l’inconnu se dirigea sur lui. La Murphy n’aperçut le couteau qu’il tenait dans sa main qu’au dernier moment ; là, elle comprit. En une fraction de seconde, tout fit sens. Quelque chose de terrible venait de se passer dans cette chambre ; il était couvert de sang, il avait un couteau ; et l’odeur, cette horrible odeur, c’était du sang aussi. Ella s’effondra sur le sol, tentant d’esquiver l’agresseur qui se ruait sur elle, et se mit à hurler sans savoir ce qu’elle faisait. L’instinct agissait, seul. Elle cria à plein poumons, de toutes ses forces, comme jamais elle n’avait crié. Accroupie sur le sol, elle tenta d’avancer, mais elle sentait le corps de l’homme contre le sien - il l’avait attrapé par la taille et l’empêchait de s’échapper. « Arrêtez, arrêtez… Je vous en prie » Elle continuait de crier et de se débattre, les yeux embués de larmes et ne comprenant rien à la scène qui se déroulait sous ses yeux. Elle ne voyait pas l’agresseur, n’arrivait pas à se positionner dans la pièce ; elle sentait seulement son corps contre le sien, horrible proximité qui lui donnait la nausée. Ella donnait des coups de pied et de poing dans le vide, bête blessée prise dans un filet mortel. Finalement, l’homme parvint à la retourner sur le sol ; désormais, il lui faisait face, et avec une rapidité qui lui tordit le ventre, fondit sur elle, couteau en avant. Alors c’était ça ? C’était comme ça qu’elle allait finir, sur la moquette de l’hôtel Fitzgerald ? Ella sentit une douleur terrible lui lacérer le bras gauche, elle cria de plus belle, mais, sans savoir comment, trouva la force d’asséner un coup de pied dans le ventre de l’agresseur qui bascula en arrière, ce qui lui laissa juste le temps de reculer un peu.

Que devait-elle faire ? Tenter de fuir ? Mais il la rattraperait forcément, n’est-ce pas ? Alors qu’elle essayait de se relever, péniblement, un visage ami apparut dans l’embrasure de la porte ; c’était Megan Fitzgerald, sa patronne, qui probablement alertée par les cris était venue voir ce qu’il se passait. « Megan ! Partez ! » Cria Ella, mais c’était déjà trop tard. L’inconnu avait changé de cible et fut sur ses deux pieds en une fraction de seconde. Il se rua vers la porte et prit la fuite, aussi brusquement qu’il était apparu, bousculant violemment Megan sur son passage. Le bruit de sa tête contre le mur fit un bruit sourd qui terrifia Ella. La brune s’effondra sur le sol. Ella, complètement abasourdie, n’était obsédée que par une seule pensée : il allait revenir et finir son travail. Instinctivement, son bras blessé pendant à côté d’elle, elle se redressa péniblement et alla verrouiller la porte de l’intérieur. Elles étaient en sécurité désormais. Puis ses muscles la lâchèrent, elle s’écroula à côté de Megan. Les sanglots l’étouffaient maintenant ; elle se rendait compte qu’elle y avait échappé belle. Megan, qui semblait un peu moins bouleversé, lui demanda comment elle allait. « Je… je crois que ça va, enfin je suis un peu blessée mais… » Ella tendit son bras gauche devant elle pour mesurer l’ampleur des dégâts. Le couteau lui avait arraché un large pan de peau, ça saignait et c’était très douloureux, mais c’était probablement superficiel. Du moins, elle l’espérait.

Son coeur battait toujours à tout rompre quand elle entendit Megan s’esclaffer. Son regard se porta directement sur la porte, mais elle était toujours fermée ; alors, elle suivit le regard de Megan et… L’impossible. Elle ne l’avait pas vu jusque là, toute préoccupée qu’elle avait été à ne pas se faire poignarder par le type. Elle n’avait plus fait attention à ce qui l’entourait. Pourtant, Ella se demanda comment elle avait pu manquer ça. Quand elle le vit, elle sentit son estomac se retourner et fut prise d’une violente nausée. Quelqu’un gisait sur le lit. Il y avait du sang partout. Quelques secondes passèrent, Ella n’arrivait pas à détourner le regard, saisie par ce qui se déroulait devant ses yeux. « Il faut l’aider » souffla-t-elle, sans mesurer l’ampleur de la tragédie qui se déroulait devant ses yeux. Ella se traîna près de lit, sa nausée redoubla en constatant que l’édredon était intégralement recouvert de sang, pas totalement séché. Le meurtre était récent. Surtout, la femme était nue, et d’étranges symboles étaient gravées dans sa peau. Ella ne comprenait toujours pas. « Hey, hey! Réveille-toi, on est là, on va appeler les secours… » La Murphy lui avait attrapé le bras, la secouait. Elle ne faisait plus attention au sang qui recouvrait ses propres mains et son uniforme de travail. « Megan, il faut appeler les secours… » Ella ne sentait pas la froideur de ce corps sous ses mains. Sous le choc, elle n’avait pas compris que c’en était fini d’elle, qu’il était trop tard pour faire quoi que ce soit.

Attack at The Fitzgerald

Ella ne se rendait compte de rien, trop bouleversée par la scène qu’elle venait de vivre. Son coeur battait à tout rompre, les larmes coulaient sur son visage sans qu’elle ne le remarque, son corps entier tremblait. Et elle continuait de secouer le bras de la jeune inconnue allongée sur le lit, en lui intimant de se réveiller, de tenir les coups, parce que les secours seraient bientôt là pour elle. Ella ne se rendait pas compte qu’il était bien trop tard pour elle et qu’elle était décédée. Pourtant, elle voyait le sang, la pâleur, les horribles mutilations, même si elle ne sentait plus l’odeur âcre qui l’avait assaillit dès qu’elle avait poussé la porte de la chambre. Son regard restait fixé sur le visage de la blonde qui était étonnamment paisible. Ses yeux mi-clos fixaient le plafond, sa bouche était entrouverte comme si elle s’apprêtait à dire quelque chose. Mais sa peau était froide, trahissant la vérité. Megane, elle, avait encore la tête sur les épaules et s’était immédiatement rendue compte qu’il n’y avait plus rien à faire pour la jeune femme. Elle s’était approchée d’Ella et la retenait en arrière. « Non mais il faut appeler les secours, ils pourront sûrement faire quelque chose pour elle… » insista Ella, qui tentait de résister à Megane. Son corps était cependant trop faible et elle finit par s’éloigner du corps, jusqu’au couloir. Ella était dans un état de semi-transe où son esprit était complètement détaché de son corps ; lui se retrouva dans le couloir de l’hôtel, tandis que ses pensées étaient encore toutes tournées vers la jeune femme blonde. « Il faut se dépêcher, elle a l’air mal » marmonna la Murphy en direction du vide, elle ne regardait même pas Megane ; et il lui fallut quelques instants pour se rendre compte que sa patronne l’avait fait sortir de la chambre.

« On ne peut pas être là Megane ! Il faut rentrer ! Imaginez qu’il revienne, imaginez qu’ils sont plusieurs… On est plus en sécurité à l’intérieur » Cette fois Ella s’était un peu reprise, sa voix était plus forte et assurée, même si l’adrénaline et le choc l’empêchaient de réfléchir correctement. Elle chercha son pass dans sa poche mais ne le trouva pas, il avait du tomber pendant l’altercation. « On devrait rentrer Megane, et s’il revient, on fait quoi ? » Maintenant, Ella commençait à paniquer. La terreur qu’elle avait ressenti quelques instants plus tôt refaisait surface, il lui semblait revoir la silhouette de l’homme et elle se mit nerveusement à faire les cent pas devant la porte, tournant constamment la tête en tout sens pour vérifier que le type n’était pas encore là, cherchant à forcer l’entrée de son corps mince. Persuadée que Megane l’avait entendue et était en train de chercher sa propre carte, Ella se tourna vers elle. Et il lui fallut encore plusieurs secondes pour réaliser ce qu’il se passait : Megane s’était assise contre le mur, à même le sol, une scène qu’Ella n’aurait jamais cru voir tant ce n’était pas le genre de sa patronne de faire ça. Surtout, elle était pâle, terriblement pâle ; et la Murphy se souvient du bruit sourd qu’avait fait sa tête en cognant contre le mur lorsque l’agresseur l’avait bousculée en prenant la fuite. La réalité la frappa brusquement, bien qu’un peur tard. « Megane, vous allez bien ? » Dit-elle en s’agenouillant à côté d’elle et en posant son bras sur son épaule. La douleur la fit grimacer, elle en avait oublié sa propre blessure. « Ne bougez surtout pas, je vais appeler les secours ». Ella s’empara de son téléphone dans la poche arrière de son pantalon qui, par miracle, ne s’était pas fait la malle dans la bagarre. Ses mains, tremblantes et couvertes de sang, peinèrent à le déverrouiller, et elle ne parvint pas à taper le numéro. Elle l’avait oublié. « Je… j’y arrive pas, c’est bête hein » souffla-t-elle avec un sourire étrange, mais elle continua d’essayer comme une forcenée. Ses doigts glissaient et elle ne parvenait pas à faire quoi que ce soit. « Il faudrait qu’on descende en bas ou… » Ou quoi ? Ella ne se sentait plus la force de bouger, ses jambes étaient coupées, les tremblements étaient de plus en plus forts. Et toujours la peur de croiser l’inconnu au détour d’un couloir.

Attack at The Fitzgerald

EElla ne se rend pas compte de ce qu’il se passe. C’est irréel, complètement irréel. Insoutenable. Trop pour que son cerveau, encore sous le choc de l’agression elle vient à peine d’échapper, puisse comprendre quoi que ce soit. Ella a arrêté de fonctionner. Megane la traine presque de force à l’extérieur de la chambre, alors que la Murphy s’obstine à vouloir venir en aide à la jeune femme qui gît sur le lit. C’est fini Ella, c’est fini pour elle, les mots résonnent dans sa tête mais ils ne veulent rien dire. Comment ça, c’est fini pour elle ? Ella ne réalise pas, malgré le sang, les blessures, l’odeur. L’inconnue est morte, et de la pire façon qui soit. Sans Megane, Ella serait sûrement restée auprès d’elle jusqu’à ce que quelqu’un vienne la secourir, hébétée, dans l’incompréhension. Finalement, les deux femmes parvinrent à s’échapper de cet enfer et se retrouvèrent dans le couloir, assises à même le sol. Il fallut encore quelques secondes à Ella pour accepter ce déplacement, parce qu’elle avait la terrible impression qu’elles auraient été plus en sécurité à l’intérieur de la chambre plutôt que dans le couloir, à la merci de tout danger. Elle avait l’impression d’être toujours en danger ; l’odeur, la chaleur, la présence de l’homme qui l’avait agressé ne l’avaient toujours pas quittée, et elle craignait qu’il ne revienne finir ce qu’il avait commencé. Megane la rassura, et en tournant la tête vers elle, Ella se rendit compte qu’elle n’allait pas bien. Même si elle disait qu’elle allait bien, que ses blessures étaient sûrement moins graves que celles d’Ella, cette dernière s’agenouilla près de sa patronne et l’examina avec le plus d’attention possible. Megane s’était cognée la tête, plutôt fortement, quand l’agresseur était sorti de la chambre. Peut-être qu’elle avait un traumatisme crânien, ou pire ? Ella n’arrivait pas vraiment à réfléchir, tout au plus comprenait-elle que ça pouvait être grave et qu’il fallait absolument que les secours arrivent au plus vite.

Sauf que voilà : Ella était secouée de tremblements qu’elle ne maîtrisait pas, et ne parvenait même pas à composer le 911 sur son téléphone. Ses doigts, pleins de sang, glissaient sur l’écran. Merde. Elle se sentait bête, terriblement bête. Elle proposa à Megane de descendre en bas, à la réception - il y aurait bien quelqu’un qui pourrait leur venir en aide, non ? - mais encore une fois, Megane fut plus maline. Elle avait gardé son sang-froid, tendit à Ella son propre téléphone et se leva pour prévenir l’accueil. La jeune femme hocha la tête, essaya de se concentrer le plus possible et taper les trois chiffres sur l’écran. « Oui… il s’est passé quelque chose à l’hôtel Fitzgerald, une… une femme est… » Les mots s’étranglèrent dans sa gorge. « Oui, on est deux à être blessées, peut-être qu’il y en a d’autres, on sait pas… Marigny, c’est à Marigny… » Ella entendit à peine son interlocutrice lui dire que les secours arrivaient, que la police avait été prévenue. Elle avait les yeux rivés sur Megane dont l’équilibre semblait relativement précaire. Une fois l’appel terminé, la Murphy reposa le téléphone sur le sol et se frotta nerveusement les bras, examina sa blessure qu’elle n’osait pourtant pas trop regarder. L’entaille n’était pas aussi profonde qu’elle l’avait imaginé de prime abord, c’était douloureux sans être insupportable. Elle l’avait échappé belle, elle le savait. Ça va ton bras ? Ella releva la tête ; comment Megane pouvait se montrer si rassurante, si protectrice, alors qu’elle était elle-même blessée ? Comment avait-elle fait pour garder son sang-froid tout ce temps alors qu’Ella peinait à aligner deux mots ? « Oui, je crois que ça va, c’est pas… c’est pas très profond, ça fait pas trop mal… » bégaya-t-elle en se disant intérieurement que ç’aurait pu être bien pire. Le sentiment d’être passé à quelques centimètres de la mort commençait à lui tordre les intestins. Sensation vertigineuse qui n’était pas prête de s’effacer.

Les deux femmes furent interrompues dans leur discussion par un message de service, diffusé dans les hauts parleurs de l’établissement. Ella sursauta. Ne quittez pas votre chambre jusqu’à nouvel ordre, sûrement l’appel que Megane avait passé. « Il n’y a plus qu’à attendre les secours alors ? » Demanda Ella, abasourdie. Ça y est, c’était fini ? Et la fille dans la chambre ? Son esprit revenait constamment vers elle, Ella restait persuadée qu’il y avait encore quelque chose à faire, refusait de se dire qu’elle était bel et bien morte, possiblement depuis plusieurs heures. C’était horrible, trop horrible. Une violence qu’elle ne connaissait pas et à laquelle elle ne savait pas faire face. Mais une nouvelle fois, elle fut tirée de ses pensées par une voix. Qu’elle ne connaissait pas. Une petite voix faible, une voix d’enfant, qui venait de l’une des portes. « Maman ? C’est toi ? Qu’est-ce qui se passe ? ». Elle comprit rapidement. Une fillette venait de se retrouver enfermée dans une des chambres, probablement sans sa mère. Cette voix, si effrayée, fit l’effet d’un électrochoc. Un instinct maternel qui balaya tout sur son passage. « Megane, il y a une gosse à l’intérieur d’une des chambre » souffla Ella en se tournant vers sa patronne. La jeune femme se releva et se dirigea vers les portes. Comment savoir où était la petite ? « Il y a quelqu’un ? Tu peux me dire dans quelle chambre tu es ? » Demanda-t-elle en haussant la voix. « Ta maman va bien, elle n’est pas loin, mais pour l’instant c’est très important que tu restes à l’intérieur, d’accord ? » Et, presque instantanément, des pleurs se firent entendre, plus distinctement cette fois, en provenance de la chambre 232. La petite se trouvait là. Dans la chambre qui jouxtait directement la 231, celle où le meurtre avait eu lieu. Ella se figea, et se tourna vers Megane. « Elle est dans celle-là » dit-elle en pointant du doigt ladite chambre. Ella se sentit soudainement nauséeuse à l’idée que la petite fille avait échappé de peu à la mort ; il aurait suffit que le tueur ait choisi la 232 plutôt que la 231 et… Elle n’osait imaginer. « On doit lui ouvrir, Megane, elle ne peut pas rester toute seule… La pauvre doit être terrifiée » Ella attrapa la poignée de la porte, tenta de l’ouvrir, mais elle était verrouillée. Surtout, elle y laissa une grande trace de sang. « J’ai du sang partout… » Sûrement que la petite fille serait encore plus terrifiée de la voir ainsi. Que faire ?

Attack at The Fitzgerald

La fin de l’enfer dans lequel Megane et Ella étaient plongé semblait proche. Les secours avaient été prévenus, l’hôtel était bouclé ; les deux femmes n’étaient pas trop sévèrement blessées, elles n’avaient plus qu’à attendre que quelqu’un les prenne en charge. Ella continuait de trembler de tout son corps, tandis que l’adrénaline disparaissait progressivement. Elle essayait tant bien que mal de se raccrocher à la réalité autour d’elle, mais elle sentait son esprit s’éloigner ; elle était encore auprès de la jeune femme morte, auprès de l’homme qui avait failli les tuer toutes les deux. Et il y avait Megane qui semblait ne rien avoir, aucune blessure physique, alors qu’elle l’avait pourtant vu se cogner avec une force terrible contre le mur de la chambre. Ella fixait le vide, hébétée, le coeur cognant trop vite et trop fort dans sa poitrine. Un cri d’enfant la tira de ses pensées et la ramena brusquement à la réalité. Un enfant était enfermé dans l’une des chambres, un enfant qui s’était mis à pleurer et à crier derrière la porte. Ella se leva instantanément, à la recherche de celui-ci ; elle trouva rapidement la chambre dans laquelle l’enfant était coincé. C’était celle qui jouxtait le lieu du crime, Ella réprima une nausée. Tout cela était abject, d’une violence inouïe, et voilà que l’adrénaline se remit à couler dans ses veines. Ella paniquait, disait à Megane qu’il fallait qu’elle fasse sortir l’enfant, la mettre en sécurité rapidement - parce que dans la tête de la Murphy, les chambres n’étaient plus des endroits sûrs. Elle n’entendit même pas sa patronne lui dire à raison que c’était une mauvaise idée. Elle ne pensait qu’à une chose : protéger cet enfant.

Ce n’est qu’en essayant d’ouvrir la porte et en laissant une trace de sang considérable sur la poignée qu’Ella se rendit compte que cette idée était la pire. Elle était couverte de sang, Megane aussi, d’ailleurs. « Alors on la laisse seule..? » marmonna-t-elle. Elle jeta un nouveau regard à ses mains, ses bras ; ils étaient couverts de sang et elle ne savait même pas s'il s’agissait du sien ou de celui-ci de la fille. Son corps fut secoué d’un spasme et Megane lui demanda de s’assoir. Ella s’exécuta, et fondit en larmes aussitôt que son corps toucha le sol. Recroquevillée sur elle-même, les bras entourant ses genoux, elle sanglotait plus fort qu’elle n’avait jamais pleuré. Elle ne parvenait plus à se contrôler, tout sortait, comme pour rejeter en bloc toute l’horreur dont elle avait été témoin. La tête dans ses mains, elle ne vit même pas passer l’agent de sécurité. « Mon dieu Megane, mais qu’est-ce qu’il s’est passé… » marmonna-t-elle entre deux hoquets. « Je suis désolée, j’arrive pas à me calmer » Pas facile pour la trop fière Ella Muphy de se montrer vulnérable, même dans des circonstances pareilles. « On a failli y passer, mon dieu, on a failli mourir, nous ou cette gosse là » Ça lui tombait dessus brutalement, comme ça ; Ella et Megane n’étaient pas passé loin de la mort. Sentiment indescriptible de sentir que tout aurait pu s’arrêter là. Ella se sentait soudainement très seule, et ses pensées se tournèrent vers Alex, instinctivement. Elle aurait voulu qu’il soit là - pas qu’il la voit dans cet état - mais il aurait trouvé les bons mots. Seuls ses bras auraient pu calmer ses sanglots, ses tremblements.

Ella releva la tête et passa ses doigts sur ses yeux humides, renifla ; ses cheveux étaient hirsutes, ses joues maculées de sang. Terrible portrait. Un homme apparu au bout du couloir - un policier - et Ella sursauta, avant de se rendre compte que ce n’était pas le tueur. Elle ne savait pas encore que ce mauvais réflexe, elle le garderait pendant des mois. « Mesdames ? Est-ce que vous êtes en état de marcher ? » Ella le regarda sans rien dire pendant quelques secondes, comme si son cerveau fonctionnait au ralenti, puis elle fit non de la tête. « Ne bougez pas, les équipes médicales arrivent » et il repartit aussi vite qu’il était arrivé. Ella se tourna une dernière fois vers Megane. « Ça va aller ? »

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