J'étais un peu anxieuse, mais est-ce que j'aurais été vraiment moi-même si ça n'avait pas été le cas ? Vérifiant une dernière fois mon image dans le miroir, j'envoyais un message à Adaline — une habitude que j'avais prise depuis que mes parents étaient rentrés en Écosse — pour lui souhaiter une bonne journée avec les enfants et pour lui dire que je rejoignais une amie en ville. Avec toutes les animations pour Halloween, j'avais hâte de voir les décorations et les différents stands, voilà pourquoi j'avais sauté sur l'occasion pour le proposer à Karla. C'était un moyen détourné évidemment ; depuis plusieurs semaines je voulais lui proposer qu'on se voit mais j'avais peur qu'elle m'en veuille après mon silence radio de ces deux derniers mois. Je faisais beaucoup moins de mannequinat, seulement une ou deux séances de temps en temps, je voyais ma psy toutes les semaines et me concentrai sur mon travail et la fin de mes études. Peu à peu, je sortais de ma torpeur. Les noeuds dans ma tête se déliaient peu à peu, même si tout était loin d'être terminé.

Avoir coupé les ponts avec Klaus et fait une croix sur cette histoire m'avait arraché le coeur et mise plus bas que terre, mais je m'accrochais à l'idée que me répétaient mes proches qui étaient au courant : c'était pour le mieux. Et ils avaient raison. En guise de confirmation, Klaus n'avait pas daigné me rattraper de toute façon. Mieux valait me libérer de son emprise, car c'était bien de ça dont il avait été question.

Une veste légère sur les épaules, orangée comme les couleurs d'Halloween, je rejoignis donc le centre ville sur mes patins à roulette comme d'habitude avant de les ranger et de les caler dans mon sac à dos pour les échanger contre des baskets. Je n'avais plus qu'à me rendre à l'endroit où je devais retrouver Karla : j'étais pile à l'heure. Je la repérai rapidement, sa haute silhouette, sa taille fine et ses cheveux dorés. Je lui fis un petit geste de la main accompagné d'un sourire timide. « Coucou ! Je suis trop contente de te voir » dis-je en lui faisant la bise. Elle était une des rares filles de qui je m'étais rapprochée, moi qui étais pourtant assez distante et fermée aux autres de prime abord. Mais quelque chose en elle m'avait inspiré confiance, sa douceur, son regard, et aussi le fait, c'était bête peut-être, mais qu'elle vienne elle aussi d'Europe et partage un peu mon sentiment d'être plus ou moins étrangère ici me donnait une impression agréable de familiarité. On se trouvait juste devant une devanture d'un des vieux bâtiments du centre, incroyablement décoré. « Wouah, c'est magnifique ! » Les Américains savaient vraiment y faire quand il s'agissait de ce genre de fêtes. « Comment tu vas ? » continuai-je, me mettant à marcher tranquillement. Il y avait plein de choses à voir et à faire autour de nous.

Karla m'accueillir avec un sourire, ce qui me rassura un peu. Non pas que j'imaginais qu'elle allait être désagréable, c'était loin d'être son genre, mais je revenais tout de même après avoir un peu disparu alors je savais que je lui devais quelques explications — sans savoir comment les amener. « Je suis contente de te voir moi aussi, je vois que tu es toujours à l'heure! Rien n'a changée, tu veux boire quelques chose? » Nouveau sourire ; effectivement je détestais les retards, j'aimais l'organisation, lorsqu'il s'agissait de choses matérielles en tout cas, sans doute pour palier un peu le désordre dans ma tête. Mais ce désordre s'arrangeait peu à peu, et j'en étais plutôt fière. Rien n'avait changé ? Au contraire, pas mal de choses... Mais je ne sus comment saisir la balle au bond, et me rabattis sur sa proposition. « Excellente idée ! Je vais voir ce qu'ils proposent... »

Nous nous étions approchées d'un stand de nourriture et de boisson qui sentait bon les odeurs automnales. J'optai pour un thé aux épices et, comme Karla, un cinnamon roll. Je la rejoignis ensuite et lui désignai du regard une petite table un peu plus loin qui semblait nous tendre les bras, juste pour se poser un peu le temps de déguster nos gâteaux. « Quoi de neuf de ton côté ? Tout se passe bien ? Tu fais quel shooting en ce moment ? » commençai-je alors, histoire d'entrer un peu plus dans le vif du sujet. « Je n'ai pas été très présente ces derniers temps, j'en suis désolée... Ça nous laisse pas mal de choses à rattraper ! » ajoutai-je, un peu gênée, avec un petit sourire amical. Bien entendu, Karla n'y était pour rien, ce n'était pas contre elle — je ne voulais surtout pas qu'elle le pense. Au contraire, elle était l'une des rares personnes avec qui j'avais eu envie de renouer contact. Dans ce monde de requins, la sincérité comme la sienne était assez exceptionnelle.

J'avais hâte d'en savoir plus sur sa vie ces derniers temps, tout en me sentant un peu coupable de n'avoir pas été très présente. Nous avions fait un bon bout de chemin ensemble dans le mannequinat, alors on avait appris à se serrer les coudes. « Ne t'en fait pas, tu me connait je ne vais pas te blâmée. J'espère juste que tout va bien pour toi..Restée aussi longtemps sans aucune nouvelles de ta part n'est pas habituel mais tu sais que si tu à besoin je suis là. » Ses mots me provoquèrent une foule d'émotions : de la reconnaissance, j'étais touchée qu'elle le prenne si gentiment, et touchée aussi car je voyais qu'elle était sincère. Mais je m'en voulais aussi, car Karla était une bonne amie et je me sentais coupable de ne pas lui avoir fait plus honneur. « C'est gentil » lâchai-je avec un petit sourire timide Une gorgée de thé m'aida à reprendre un peu le contrôle sur mes nerfs, toujours à fleur de peau, même si je faisais des progrès ces derniers temps. « En fait, j'avais besoin de prendre de la distance avec les shootings... Avec le milieu de manière générale. » Il était question de ma santé mentale autant que physique. « Je vois un psy depuis quelques temps et ça me fait beaucoup de bien. J'étais dans une spirale infernale, on va dire... » Une spirale autodestructrice, plus exactement. « Mais ça m'a manqué de ne pas te voir en tout cas ! » affirmai-je une nouvelle fois.

« Tu à finit ton Thé? Si oui, ça te dit d'aller shopper un peu ? Voir ce qu'il y à ? » Je souris — j'avais terminé mon gâteau mais pas le thé, mais je pouvais très bien le finir en marchant, il était dans un gobelet prévu à cet effet. « Carrément ! J'ai hâte de voir tout ce qu'il y a ! Cette année encore ils se sont donnés, il y a vraiment plein d'animations partout ! » C'était toujours sympa de se promener dans ces conditions. « Tu cherches des trucs en particulier ? »