Il m’avait fallu un sacré paquets d’arguments pour que je sente mon père relâcher un peu la pression. Au final, on avait fini par se mettre à rire de toute la conversation et se serrer dans les bras, à partir du moment où il avait capté qu’être réticent du départ de son fils majeur dans son propre appartement était un poil exagéré. Mais le pauvre, je le comprenais bien. Moi aussi j’avais l’impression qu’on me brisait le cœur, quelque part ; Annabel partie, Scott qui cherchait aussi un appart et puis moi qui suivais, ça y’est, les oiseaux avaient quitté le nid pour de bon et après tout ce qu’on avait traversé ensemble, ça faisait quelque chose. Mais c’était chouette, parce qu’on restait dans la même ville, à deux pas des uns et des autres, et que je savais que le temps qu’on passerait ensemble serait du temps de qualité. Bien sûr que j’allais venir déjeuner ou dîner avec mon père de temps en temps et bien sûr qu’on squatterait chez lui le week-end pour le voir et profiter de la piscine – ça, c’était un argument en béton, qui n’avait pas manqué de le faire sourire. Et puis après il avait été ému de tout ça et moi aussi, heureusement que Potiron avait décidé de renverser un vase à ce moment-là sinon on aurait fini par chialer comme des madeleines.

Evidemment, le fait que j’emménage avec Maia avait fait toute la différence. Maia était loin d’être n’importe qui, ma meilleure amie d’enfance, ancienne voisine, nos parents se connaissaient – etc. Mon père avait confiance en elle et en les Wilson, et c’était sans doute pour ça aussi qu’il n’avait pas plus stressé que ça. Je le comprenais ; j’étais sobre depuis plus de deux ans maintenant mais j’avais toujours besoin de suivi à ce sujet alors si je lui avais annoncé que je me mettais en colocation avec des gens douteux, il y avait fort à parier que mon père n’aurait pas été aussi conciliant. Il pouvait être chiant quand il s’inquiétait, mais pour le coup, je le comprenais un peu mieux sur ce coup là. Personne n’avait envie que je replonge, moi le premier.

J’étais en train de dormir quand le bruit de la porte d’entrée me réveilla – merde, il était déjà cette heure-là ?! La micro-sieste que j’avais voulu faire s’était transformée en méga-sieste, visiblement. Heureusement que j’avais terminé ce que je voulais terminer avant, sinon ma surprise n’aurait pas eu la même portée. Je me levai d’un coup et me précipitai dans le salon, Potiron tout excité sur mes talons – lui aussi venait de taper sa meilleure sieste avec moi. L’appart sentait le propre et la peinture neuve – on avait terminé la semaine dernière de tout repeindre à notre goût et il ne restait que quelques cartons ça et là, enfin, surtout dans ma chambre, car je n’avais pas encore terminé de fixer toutes mes étagères. « Viens voiiiiir tu vas être trop fan !! » fis-je avec enthousiasme à Maia sans lui laisser plus que ça le temps de se poser – il fallait ABSOLUMENT qu’elle vienne voir le balcon. Il était traversant et courait de sa chambre à la mienne en passant par la fenêtre du salon, et donnait sur la cour, au calme. Un joli balcon en fer forgé, en plus, qui se dessinnait bien sur la facade bleu pastel de la maison : on avait eu un sacré coup de chance. C’était l’étage d’une maison qui se trouvait à louer, les habitants du rez-de-chaussée n’étaient presque jamais là car ils avaient déménagé mais gardaient cet endroit comme pied-à-terre. Du coup, non seulement on était tranquilles, en plus on ne payait pas trop cher et on avait même le droit d’accéder à la petite cour-jardin si on le voulait, en contrepartie de l’entretenir un minimum. Ouvrant la baie vitrée du salon, je laissai Maia découvrir le résultat. On avait reçu des plantes qu’on avait commandées ensemble, j’en avais rapporté du jardin de mon père aussi car j’avais fait des boutures et j’avais tout bien installé pour que ça fasse une jolie petite haie fleurie pour que la petite table et les quatre chaises qu’on pouvait faire tenir soit bien ombragée. Pour couronner le tout, j’avais mis une guirlande lumineuse mais il faisait encore un peu trop jour pour qu’elle ressorte bien et des petites décorations. Les soirées d'été s'étiraient toujours. « On verra mieux les lumières quand la nuit sera complètement tombée mais qu’est-ce que tu en penses ? Ça te plait ? » Bien sûr on se mettait d’accord tous les deux pour les parties communes, mais j’avais eu envie d’assembler tout ça pour lui faire la surprise, et on pouvait toujours arranger le reste ensemble. « Vas-y, installe-toi, j’ai fait du thé glacé et ma sœur m’a apporté des muffins tout à l’heure. Et en plus, j’ai une super nouvelle à t’annoncer ! » Décidemment, j’avais bien fait de dormir un peu. Ce matin je m’étais levé le moral un peu dans les chaussettes, il y avait des jours comme ça, je voyais les choses en noir et puis j’avais peur de l’avenir et je me sentais seul, et il avait fallu de quelques petites choses pour que tout se réaligne. Déjà, passer du temps avec ma sœur me calmait toujours et surtout j’avais potentiellement signé mon premier contrat car on m’avait commandé des dessins, alors à présent, maintenant que Maia était rentrée, rien ne pourrait m'empêcher de passer une bonne soirée.

Ses sacs d'achats sur les épaules ou entre les mains, Maia remonte d'un pas serein et assuré la rue qui mène à son appartement. Son nouveau chez elle, qu'elle partage avec Alex. Une colocation qui fait le plus grand bonheur de la brune à vrai dire, bien qu'il n'a pas été aisé de convaincre ses parents de la laisser s'installer hors du domicile familial. Surtout sa mère, qui a toujours eu du mal à couper le cordon avec sa dernière fille. La Wilson a donc sorti les arguments pour réussir à persuader sa mère de lui faire confiance, et de la laisser s'envoler hors du nid, pour une colocation. Avec Alex. Des mots magiques, ou presque, en tout cas des mots qui ont amené sa mère à capituler, aidant même les deux amis à trouver un logement dans le Vieux Carré. Ce qui a grandement amusé Maia au final, de voir sa chère maman se démener comme une folle pour les aider à trouver une petite pépite.

Leur futur cocon, que les deux amis ont fini de peindre à leur goût il y a peu. Quant à l'aménagement, c'est quasiment fini aussi, enfin du côté de Maia en tout cas. Et aujourd'hui, elle a profité d'un moment de libre pour aller faire un peu de shopping. Pour acheter un plaid pour le canapé, pour les soirées cocooning, même s'il ne fait pas vraiment froid à la Nouvelle-Orléans. Pour acheter également des plantes, ainsi que des affaires pour leur cuisine, puis des petites bricoles de décoration pour lesquels la jeune femme a craqué dans les magasins. Et pour terminer, elle s'est offert des vêtements et des livres. Histoire de se faire un peu plus plaisir.
Et c'est donc avec tout ces sacs qu'elle remonte sa nouvelle rue du Vieux Carré pour rejoindre le joli appartement que les deux meilleurs amis louent. Musique dans les oreilles, la brune chantonne les chansons de Taylor Swift que Deezer lui passe, et par moment, elle esquisse un petit pas de danse. Petit pas qui devient une petite danse d'une dizaine de secondes devant la porte de son logement, avant qu'elle n'insère la clé dans celle-ci pour rentrer. Mais c'est néanmoins toujours en dansant qu'elle pénètre dans l'appart', déposant ses sacs dans l'entrée pour ôter ses écouteurs. Pile à temps pour l'arrivée d'Alex, qui l'embarque en quelques secondes, à peine sorti en trombe de sa chambre.

- Mais qu'est-ce que ?

Souffle Maia, tout en le suivant malgré tout à travers le salon, jusqu'à la baie vitrée, qu'il ouvre sur leur fantastique balcon qui donne sur la cour intérieure. Cour calme et vide la plupart du temps vu que les proprios et habitants du rez-de-chaussée ne sont quasiment jamais là. Bref, une vraie perle leur trouvaille. Une perle qu'ils ont envie de transformer en petit paradis depuis l'instant où ils l'ont visité. Et leur envie semble se confirmer au fil des jours, encore plus actuellement avec ce que Maia découvre sur le balcon: Alex l'a entièrement aménagé avec les plantes qu'ils ont acheté il y a quelques jours, mais aussi du mobilier et une guirlande. Impressionnée par ce qu'elle peut voir, la jeune femme ouvre la bouche de surprise, tournant dans tous les sens pour contempler et voir chaque détail si c'est possible.

- Mon dieu, mais que c'est beau !

C'est tout ce qu'elle arrive à dire pour le moment, continuant de tourner dans tous les sens, avant de venir se fixer sur la guirlande lumineuse. Bordel, de nuit, ça sera encore plus beau !

- Mais c'est magnifique Alex !

Lâche-t-elle tout en observant encore quelques instants, avant de venir prendre son meilleur ami dans ces bras.

- Tu as fait du super boulot ! J'adooore !

Et c'est peu dire. Elle est totalement fan de leur balcon, ça va devenir une de ses pièces préférées de l'appartement, voilà qui est certain. Encore plus quand elle se laisse aller sur la chaise que lui tire Alex, tout en annonçant qu'il a fait du thé et qu'il y a des muffins. Bon sang, voilà qui est parfait.

- Mais c'est parfait ! Dis donc, tu es de bonne humeur, ça fait super plaisir.

Sourit-elle en le regardant s'activer, tout en continuant.

- De mon côté, j'ai fait quelques achats pour l'appartement cette aprem. Rien de bien fou: des affaires pour la cuisine et de la déco principalement. Et des plantes d'intérieures !

Je ne lui avais absolument pas laissé le temps de dire ouf, emporté par mon élan, mais très visiblement Maia ne m'en tint pas rigueur. Au contraire, elle abandonna tous ses sacs sur place et mes suivit sur le balcon, que je lui montrai avec une fierté non dissimulée. « Mon dieu, mais que c'est beau ! » Le visage de la brunette rayonnait et ses yeux pétillaient : pas de toute, ça lui plaisait. « Mais c'est magnifique Alex ! » Elle me serra dans ses bras et je lui rendis son étreinte, avant de lui faire un high-five. « Tu as fait du super boulot ! J'adooore ! » « On a fait du super boulot ! J'aurais pas fait ça tout seul si t'étais pas là pour me donner des super idées ! » rectifiai-je avec un sourire complice. On s'était promis de se consulter pour tout, parce que c'était notre chez nous à tous les deux, mais à vrai dire on s'entendait quasiment toujours sur tout donc c'était plutôt une avalanche d'idées partagées qui rendaient l'autre aussi enthousiaste que celui qui expliquait son idée. Voilà aussi pourquoi j'étais capable de quitter chez moi sans avoir peur : parce qu'avec Maia je me sentais à 100% moi-même.

On s'installa ensuite sur le balcon, tandis que je lui montrai ce qu'on avait à disposition. Puis je nous servis du thé glacé. « Mais c'est parfait ! Dis donc, tu es de bonne humeur, ça fait super plaisir. » Je hochai la tête, bien d'accord avec elle. Et dire que cette journée avait si mal commencé ! Comme quoi, j'avais raison de m'accrocher. De plus en plus, les périodes sombres et compliquées s'écourtaient. Peut-être que je savais mieux les gérer aussi, mais en tout cas, je voyais une amélioration. Ce n'était pas encore parfait, loin de là, mais je voyais les efforts que j'avais eu tant de mal à faire portaient leurs fruits.

« De mon côté, j'ai fait quelques achats pour l'appartement cette aprem. Rien de bien fou: des affaires pour la cuisine et de la déco principalement. Et des plantes d'intérieures ! » « Oh trop bien, montre !!! » Évidemment que j'avais hâte de voir ses nouvelles acquisitions. « Et je pense que je ne me trompe pas en disant que t'as forcément acheté un livre ou deux au passage ? » Maia dévorait des livres, je la connaissais par coeur, elle ne pouvait pas faire du shopping sans se laisser tenter. Un peu comme moi avec tout ce qui concernait la papèterie, les affaires de peinture ou de dessin. Je mordis dans un muffin avant d'avaler une délicieuse bouchée et d'ajouter : « Il faut absolument que je te dise. Je crois que j'ai officiellement signé mon premier contrat ce matin ! »

A peine arrivée, les sacs ont à peine touché le sol, et Maia se retrouve embarquée par Alex pour aller voir le balcon, qu'il a fini de ranger et aménager. Ca la fait sourire la Wilson, alors qu'elle se laisse mener par son meilleur ami. Pour découvrir un petit paradis, qui font briller ses iris. Dieu que c'est beau ! Et dire que c'est chez eux ! Leur petit cocon. Ce cocon dont la brune avait plus que besoin: quitter la maison familiale pour vivre sa vie comme elle l'entend, est certainement une des meilleures décisions qu'elle a prise. Pas que ça va mal avec ses parents, mais sa mère a toujours tendance à trop la couver. Beaucoup trop. Alors prendre son indépendance lui donne plus de liberté, et elle adore ça. Sans compter qu'elle peut aménager son logement comme elle le veut. Enfin comme ils le veulent avec Alex. Qui a fait du superbe travail pour le balcon, elle n'en revient pas.

- Oui, on a fait du super boulot ! N'empêche que tu as magnifiquement donné vie à mes idées. Je suis fan !

Elle tourne sur elle-même pour observer à nouveau tout le balcon, avant de se laisser aller sur une chaise libre pour déguster les muffins et le thé glacé qu'a préparé Alex. Un moment parfait pour déguster un petit goûter, sous un soleil et un ciel bleu magnifique. Et profiter aussi de la bonne humeur d'Alex, qui fait plaisir à voir. Car des fois, même si elle ne dit rien, Maia s'inquiète un peu pour son meilleur ami. Mais elle se rend compte que son inquiétude n'a pas lieu d'être et cela la réconforte plus qu'elle ne saurait le dire.

- Je serai toujours là pour toi, Alex.

Pourquoi est-ce qu'elle lâche ça soudainement ? Elle ne le sait pas, mais elle a envie de le dire, même si son ami le sait certainement déjà. Bref. Ce n'est pas le moment de s'attarder là-dessus, alors sans attendre, la brune enchaîne sur ses achats du jour: décorations, affaires pour leur cuisine et des plantes. Parce qu'ils n'en ont pas assez, certainement. En tout cas, son annonce déclenche la joie d'Alex, qui demande déjà de voir.

- Attends ! Je bois un peu de thé, et je vais chercher les sacs dans l'entrée !

S'exclame-t-elle en riant, avant de boire une gorgée de sa boisson, tout en observant son meilleur ami avec un sourire narquois. Sourire qui se transforme en grimace, tandis que ses yeux roulent vers le ciel en entendant la suite. Il la connaît que trop bien.

- Non, pas du tout.

Lâche-t-elle rapidement.

- Enfin, pas un ou deux.

Ajoute-t-elle tout aussi vite, avant de rire doucement et de se lever pour aller chercher les achats qu'elle a fait et qui attendent dans le hall.

- Tu me connais que trop bien, Lake !

Le cri lui échappe après quelques secondes, tandis qu'à grands pas, elle fonce vers l'entrée pour récupérer les sacs contenant les achats pour l'appartement. Tout en écoutant la nouvelle d'Alex.

- Oh mais c'est trop bien ! Où ? Avec qui ? Tu commences quand ?