Cirilla avait grandi dans le merveilleux petit cocon que lui avait créé son père et il lui avait toujours semblé que la vie était aussi simple ou complexe qu'elle le décidait : jusque là, les choses avaient plutôt bien fonctionné. Elle était fière et forte et se sentait capable de tout, peu importe les obstacles qui se dressaient sur son chemin. L'amour de son père avait été accompagné de suffisamment de sévérité pour qu'elle ne soit pas uniquement la gosse de riche qu'elle aimait laisser paraître ; elle avait de la ressource et jamais froid aux yeux. Et puisque la vie n'avait pas toujours fait de cadeau à sa famille, elle avait aussi appris à prendre sur elle et à garder la tête haute. Mais depuis quelques années, le moins que l'on pouvait dire étaient que l'équation se complexifiait un peu. Ou peut-être était-ce juste qu'elle grandissait et devenait pleinement une adulte ? Elle ne savait pas trop, mais son humeur était un peu plus noire qu'avant. D'abord parce qu'elle avait traversé quelques épreuves difficiles qui l'avaient plus ébranlée qu'elle ne l'aurait voulu, et ensuite parce que tout semblait moins s'aligner qu'auparavant. Elle avait perdu de vue des gens qu'elle aimait alors qu'elle ne pensait pas s'y être attachée autant, elle s'inquiétait pour certaines personnes autour d'elle, elle avait aussi l'impression de perdre un peu de ses certitudes. De quoi serait constitué son avenir ? Comment continuer à conjuguer tout ce qu'elle aimait faire ? A quel moment viendrait le temps de faire des choix véritables, d'opter pour une direction et de s'y tenir ?

Pour le moment, c'était l'été, les vacances, le soleil, le beau temps, la baignade, la bronzette, les cocktails et les longues soirées d'été. Voilà en quoi constituait son programme. Elle trainait littéralement des heures au bord ou dans la piscine quand elle était chez elle, sinon elle sortait jusque tard dans la nuit danser avec des amis, préférant l'insouciance au reste. Sans quoi, elle finissait par broyer du noir. Alors évidemment que quand il fut question d'aller profiter de la fête d'été en ville avec Maia, elle n'avait pas hésité une seconde.

Dès qu'elle le pouvait, évidemment, elle profitait de sa meilleure amie. Maia était la valeur sûre, avec son père, qui la gardait dans le droit chemin. La seule en qui elle avait réellement confiance. Ciri était d'ailleurs particulièrement ravie qu'emménage dans son propre appartement, elle était fière de Maia qui prenait son indépendance et aussi ne perdait pas le nord : elle pourrait y squatter quand les deux filles le voudraient, sans demander de compte à leurs parents. Bien que Maia soit toujours la bienvenue chez les O'Connor, et inversement également.

En petite robe d'été et lunettes de soleil sur le nez, elle rejoignit la brunette en centre ville, près de l'endroit où était la fête foraine. En guise de bonjour, elle posa un baiser sur la joue de sa meilleure amie. Elle voulait à tout prix que sa lassitude et son humeur morose de passage, comme il lui arrivait un jour sur deux de le ressentir, laisse place à autre chose. C'était une journée entre filles, et Ciri voulait en profiter. Elle aurait tout le temps de déprimer au bord de sa piscine le lendemain. « Toi, t'as encore fait des retouches peinture ! » dit-elle en grattant deux petites tâches de peinture sur la peau de l'épaule de Maia. « Il te reste beaucoup de choses à terminer ou à installer ? » La dernière fois qu'elle lui avait donné un coup de main, l lui semblait que le plus gros était fait, même une partie de ses cartons avait été déballée. « Ca te dit un tour de grande roue ? Avec ce beau temps, j'ai envie de voir la ville de tout en haut ! » Pas trop de sensations fortes non plus pour commencer, mais elle voulait juste se changer un peu les idées.