La météo n'annonçait rien de bon mais les choses avaient tourné au vinaigre bien plus vite que prévu. Au poste, c'était la panique, l'évacuation n'était pas terminée, les gens n'étaient pas tous en sécurité et nous étions à court de personnel... Et, comme si ça ne suffisait pas, Oscar avait refusé d'évacuer, fuyant la maison quelques heures à peine avant que le vent ne commence à se lever.

J'avais cru que les choses allaient mieux entre nous, qu'il commençait à se faire à notre présence mais j'avais eu tort visiblement... Je voulais juste le mettre à l'abri, juste faire ce que je pensais être le mieux pour lui. Mais il y avait sûrement vu une nouvelle occasion de fuir. Il n'en était pas à son coup d'essai après tout. Et je m'en voulais atrocement, me sentant toute retournée par mon inquiétude grandissante. Plus de réseau, plus de nouvelles et aucun moyen de savoir où il pouvait se cacher. Je ne pouvais qu'espérer.

Mais mon inquiétude n'allait pas que vers lui puis qu'Aaron était aussi parti à sa recherche, arpentant les rues de la ville au moment où la tempête s'était levée. Et ce foutu réseau ! J'étais donc contente d'avoir été affectée à la patrouille, soulagée de pouvoir les chercher tout en faisant mon travail. Joindre les deux n'était pourtant pas simple, le stress me mettant dans un drôle d'état... Mon cœur battait trop fort, mon cerveau tournait trop vite... Mais je devais rester attentive, surtout avec ce vent de plus en plus fort.

« M*rde, on y voit rien... J'ai peur que nous ne puissions pas tourner très longtemps avec ce vent... »

Soupirais-je, les yeux plissés, cherchant à voir au travers les fenêtres. Il y avait tant de vent dehors qu'on s'entendait à peine dans l'habitable... Pour ma part, je ne savais pas où commencer mes recherches, ne connaissant pas assez Oscar pour savoir quel endroit pouvait le plus lui inspirer confiance... J'étais mal, terrorisée pour les deux hommes qui partageaient ma vie mais aussi pour les autres Lakes dont je n'avais plus de nouvelle. Connaissant Ben, il avait surement évacué les enfants... Au moins eux... Mince, je n'en étais pourtant pas à ma première tornade !

Je connaissais les deux agents avec lesquels on m'avait affecté. Il m'arrivait de donner quelques cours de self défense avec Sage et Kai m'apprenait à signer quand nous avions un peu de temps au poste. La situation n'était néanmoins pas à la copinerie et mes nerfs étaient à vif. La visibilité dehors était presque nulle et ça n'allait pas s'arranger.

« Certes... »

Murmurais-je face à la remarque de la jeune femme avec un petit soupir de désespoir. Mais elle avait raison, il n'y aurait plus personne dehors d'ici peu et nous ne pouvions pas faire grand chose de plus qu'un autre tour de quartier en espérant que des petits malins n'aient pas eu la brillante idée de piller les boutiques environnantes. Ce serait dangereux, pour eux comme pour nous.

« Tu as raison, c'est le mieux à faire en attendant d'autres ordres. »

Répondis-je sans grand enthousiasme, clairement perturbée par la situation, mon regard balayant les rues avec difficultés. Pourvu qu'Oscar soit en sécurité, pourvu qu'Aaron soit en sécurité, pourvu que ma famille aille bien... Bon sang, pourquoi étais-je si inquiète ! Et pourquoi pensais-je aussi à Ezekiel ! Du grand n'importe quoi, la fatigue sans doute.

« Oh pardon ! »

M'exclamais-je soudain, réalisant que Kai ne pouvait pas nous entendre. J'orientais donc le rétroviseur vers ma bouche pour qu'il puisse la voir de sa place pendant que je conduisais. Je savais qu'il pouvait lire sur les lèvres et je n'avais pas pensé à son handicap dans la précipitation. Il faut dire que nous formions un drôle de trio pour cette drôle de mission...

« Désolée. Nous allons faire un tour de quartier puis nous rendre à la supérette. N'hésite pas si tu vois quelque chose ou si tu as une autre idée. »

Expliquais-je avec un léger sourire, surtout pour me rassurer. Je m'étais un peu contorsionnée pour toucher son genoux afin d'attirer son attention, consciente qu'il ne regardait pas nécessairement vers nous en ce moment.

La radio grésille elle aussi et, avec le bruit extérieur, ça rend la compréhension difficile. Le message n'en reste pas moins clair : une autre patrouille n'est pas loin et leur voiture ne fonctionne plus. Pas de blesser, pas encore, c'est le principal. Une fois arrivée au point annoncé par la centrale, je reconnais Quincy, soulagée de retrouver mon coéquipier habituel même si j'aurais préféré que ce soit en d'autres circonstances. La pluie coule a flot et le vent nous soulève presque du sol. Avec ma taille microscopique, je vais finir par m'envoler et suis donc soulagée de pouvoir rapidement regagner la voiture après avoir brièvement serré le jeune homme dans mes bras. La tempête rend les conversation stérile, les gestes sont plus parlant et je suis réellement heureuse qu'il soit entier. Même si je préfère travailler seule, Quincy est un chic type.

Les filles ont prit la direction du bar sans la moindre hésitation, nous laissant seuls tous les trois. J'aurais préféré que Kai les accompagne, il est papa et je ne veux pas qu'il soit trop en danger... Quoi que, où ne l'étions nous pas à présent ? Le bar pouvait tout aussi bien s'effondrer que la voiture ne pouvait se retrouver dans un arbre ou pire encore... Il aurait dû partir, moi je n'avais pas grand chose à perdre finalement et je sais que Quincy n'avait pas d'enfant lui non plus. Nous étions dispensable, aimés peut-être mais dispensables. Enfin, à part par mes frères et mes neveux, je ne pensais pas être particulièrement aimée et je ne suis pas certaine qu'Oscar attendait mon retour avec impatience... J'étais d'ailleurs toujours verte de trouille de ne pas l'avoir retrouvé et je regardais souvent mon portable dans l'espoir d'y voir un message rassurant de sa part.

Mais rien... Pas de réseau, pas de nouvelles.

« Oui ça pourrait être sympa ! »

Souriais-je, suivant Quincy dans sa tentative d'alléger un peu l'ambiance générale. Ce n'était pas gagné, surtout avec le vent de plus en plus fort qui faisait bouger la voiture.

« Uptown donc... Allons-y ! »

Lançais-je, tentant de nous y conduire non sans difficulté. La visibilité était médiocre et mon cœur battait si fort qu'il me rendait encore plus sourde. Après un bref silence (si compter qu'on puisse appeler cela ainsi), je me décidais à cracher le morceau. Quincy était mon partenaire après tout et en chemin pour devenir un ami...

« Oscar s'est encore fait la belle... Il a choisit son moment. Je ne sais pas où il est mais j'espère qu'il est en sécurité. »

Il ne servait à rien de le dire mais j'eus l'impression d'ôter un poids de ma poitrine. C'était dit, l'info était sortie et il pourrait être une autre paires d'yeux pour le chercher. Ce n'était pas négligeable, surtout en ce moment.

Conduire la voiture était de plus en plus difficile voire même complètement impossible. Le vent poussait le véhicule à faire des écarts violent que je contrôlais de moins en moins et qui, de ce fait, m'inquiétaient de plus en plus. Je ne voulais pas nous envoyer dans le décors, hors de question de détruire un autre véhicule et de risquer nos vies. Surtout que Sage avait eu raison : les gens n'étaient plus dehors maintenant, ils étaient au moins dans des bâtiments, plus ou moins en sécurité. Notre présence dans les rues n'était plus réellement justifiée, surtout que nous ne pourrions rien faire de plus si un bâtiment finissait par céder.

« Je vais nous garer là le temps que ça se calme. »

Expliquais-je, toujours obligée de crier pour être entendue. Je tournais donc dans une ruelle étroite ou le vent était un peu moins violent. Kai repéra des gens un peu plus loin et décida de les rejoindre pour s'assurer que tout allait bien. Je ne cautionnais pas trop l'idée mais je n'avais pas le moindre pouvoir ici, nous étions trois agents face à la tempête, seuls face à l'adversité des éléments. La radio grésillait toujours ce qui n'annonçait rien de bon. Peut-être nous avaient-ils demandé de regagner le bercail ? De trouver un refuge ? Impossible à dire. Autant attendre en sécurité, surtout que le réseau semblait brièvement revenu.

« Oui ! » M'étais-je exclamée avec un peu plus d'enthousiasme que je ne l'aurais voulu. Oscar s'était contenté dans ça va et il ne m'en fallait pas plus. Il allait bien, il était en vie ! J'avais aussi eu des nouvelles d'Alex et de mon frère aîné, j'étais soulagée. « Visiblement il va bien mais je ne sais toujours pas où il est... »

Ajoutais-je tout en lui demandant justement plus d'information sans espoir de réponse. Le réseau était faible et ne survivrait pas longtemps... Puis il était peu probable qu'il me dise où il était de toute façon. Enfin, il allait bien et mes autres proches aussi, je pourrais reprendre mon travail un peu plus tranquille. Même si la tempête reprenait doucement. Déjà ? Le calme avait été de courte durée mais c'était déjà ça.

« Tes proches sont en sécurité ? » Demandais-je à mon collègue, observant l'extérieur avec une certaine nervosité malgré tout. Il avait raison, nous ne nous en sortirions pas indemne en suivant bêtement les ordre. « Si tu as un plan je te suis. Ordres ou non je pense qu'il n'est pas nécessaire de risquer nos vies de la sorte. Nous ne pouvons rien faire de plus pour l'instant et nous serons plus utiles vivants une fois tout cela terminé. »

J'avais toujours été un bon agent même s'il m'était souvent arrivé de m'imposer contre les ordres. J'étais têtue, instinctive et grande gueule... Surtout quand je ne comprenais pas l’intérêt des ordres, quand ils semblaient illogiques ou entravaient la justice. C'était souvent le cas... Ne pas brusquer les gens, bien suivre les procédures même si elles font perdre un temps précieux, risquer des vies... Qui pourrait nous en vouloir aujourd'hui ? Ne préféreraient-ils pas avoir deux paires de bras en plus pour aider les rescapés et reconstruire ? Sans doute que oui. Et le contraire m'importait peu. Je ne voulais pas mourir non plus, pas comme ça.

Malgré un bref retour du réseau, mes messages étaient lents à venir et à partir ce qui n'arrangeait rien à mon angoisse profonde. J'avais peur pour Oscar surtout, seul de mes proches dont j'ignorais la localisation mais, surtout, dont je connaissais les tendances à être fataliste... Je sais qu'Aaron se battrait pour survivre, je sais que mon frère se battrait pour protéger ses enfants mais Oscar ? Il serait bien capable de se laisser emporter par la tornade tant il semblait blasé ces derniers temps et il aurait mille raisons de le faire... Quoi que... Notre relation était tout de même un peu moins tendue quand même et il semblait s'accorder quelques projets d'avenir depuis le rendez-vous avec son prof de maths.... Tout espoir n'était peut-être pas perdu. Je souris gentiment à mon co-équipier, profondément heureuse de l'avoir avec moi même si nous avions encore quelques petits couacs dans notre travail d'équipe. Deux loups solitaires forcés de coopéré avait fait quelques étincelles au départ mais nous étions aussi en bonne voie et il n'y avait pas de doutes sur le fait que cette nouvelle mission allait nous rapprocher définitivement.

« Pour être tout à fait franche j'en suis au stade ou je ne sais pas si je vais le pourrir ou simplement lui sauter dans les bras ! En sachant que la deuxième alternative sera sûrement la pire pour lui de toute façon ! »

Plaisantais-je non sans un fond de vérité. Notre relation allait mieux mais ce n'était pas encore parfait et nous étions encore très loin des effusions de sentiments, de son côté comme du mien pour le coup.

« Au moins ils sont en sécurité. »

Le rassurais-je avec un sourire bienveillant. Savoir où ils étaient était déjà une bonne chose. Je savais maintenant où était tout le monde même si j'avais envie d'étriper mon petit frère pour la frayeur causée par son message auquel je n'eu malheureusement pas le temps de répondre avant la nouvelle coupure... Blessé !? Bon, il était avec notre aîné et en sécurité maintenant.... Enfin, autant qu'il pouvait l'être dans cette grande demeure coloniale au murs épais. Pourvu qu'elle tienne le coup car elle contenait trois des hommes de ma vie ainsi que la femme de ma vie : mes deux frère, mon neveux et ma nièce. Scott était à New York, au moins ça... Malgré ma détresse émotionnelle encore grande, je gardais mon sourire et mon air détendu puisque me ronger les sangs ne m'aiderait certainement pas à nous sortir de là.

« Tout à fait d'accord. Il y a un magasin pas trop loin... Visiblement l'œil du cyclone s'éloigne déjà mais on devrait pouvoir le regagner à temps si on se bouge. »

Ce n'était qu'à deux pâtés de maison et nous pourrons sûrement y trouver d'autres rescapés à aider en cas de besoin. Au moins on ne pourrait pas nous reprocher de ne pas faire notre travail mais nous serions en pseudo sécurité. Enfin, il fallait déjà y arriver... Opter pour la voiture semblait à la fois délicat et plus sûr à la fois, sans doute comme tout ce que nous allions entreprendre avec un temps pareil... La tempête était imprévisible et notre destin incertain. Espérons juste ne pas mourir bêtement dans la rue,..