Il y a toujours de bonnes raisons de faire la fête.

Ce n’est pas une simple excuse pour boire. Plutôt le meilleur moyen que trouvent les gens étouffés par leurs soucis quotidiens pour se rabibocher avec la légèreté et pour embrasser à pleine bouche la liberté.

Sasha adore ça : la foule dont l’humeur joyeuse est plus contagieuse que n’importe quelle maladie, la musique qui pousse à danser des heures sans réfléchir, les lumières qui font briller même les yeux les plus nuageux.
Sans parler de ces chars qui le font retomber en enfance.
Il ne se passerait de ce genre de moments pour rien au monde.

Mais souvent, le bonheur est fugace. Il s’offre à vous, puis il vaut fausse compagnie sans avoir la politesse de le faire en douceur.

C’est quand Sasha s’éloigne un peu pour tenter de rejoindre des amis, quelques rues plus loin, qu’il entend ce cri horrifiant. Il court en direction du cri, persuadé qu’il s’agit d’une bagarre. Sûrement des mecs ivres qui s’en prennent à un passant. Bon Sasha n’a clairement pas le gabarit pour calmer des inconnus dans une bagarre – si c’est de ça qu’il s’agit – mais il lui est arrivé plusieurs fois de trouver les mots justes pour calmer certains esprits échauffés. Il ne peut de toute façon pas continuer sa route comme s’il n’avait rien entendu.

En mettant les pieds dans une ruelle anormalement sombre, il repère aussitôt ce corps inerte d’un homme sur les pavés – s’il vous plait faites qu’il soit seulement inconscient – ainsi qu’un autre homme foncer droit devant lui. Sans réfléchir, Sasha se dit qu’il faut lui barrer la route. Il sait qu’il n’est pas seul, d’autres personnes ont été alertées par le cri et sont autour de lui. Étant plusieurs, il croit naïvement qu’ils vont l’arrêter facilement. Il n’a pas vraiment eu le temps de comprendre qu’il était armé. Mais il le comprend bien au moment où après s’être pris un coup assommant dans l’œil droit, il sent quelque chose de dur et tranchant se plonger dans la chair de sa cuisse. Il hurle. Sans filtre, sans dignité. Incapable d’avoir la moindre autre réaction.
Il sent juste que l’homme se faufile.

Sasha n’est pas un héros. Il ne se relève pas comme dans les films pour repartir courir après le criminel malgré sa blessure. Non, il essaie juste de contenir cette douleur qui le paralyse. Ses deux mains sont posées sur cette plaie béante et ses yeux voient trouble (le fait que l’un des deux soit en train de gonfler et de noircir à cause du coup y est peut-être pour quelque chose). Il est sous le choc.

Les gens autour de Sasha – il avait presque oublié qu’ils étaient là - s’échangent des paroles qui passent bien loin de ses oreilles. La peur qui rendent son palpitant dingue, et la douleur, créent un mur entre lui et le reste du monde. Des mots parviennent quand même à se frayer un chemin jusqu’à son esprit. Ils parlent de fuite, de secours, certains semblent s’inquiéter de son œil. Lui tout ce qu’il ressent c’est cette jambe brûlante. Une sensation aussi vive que déchirante. Il a juste envie qu’elle disparaisse. Des larmes coulent malgré lui sur son visage.

Il sent qu’on lui parle mais c’est si dur de porter son attention sur quoi que ce soit d’autre. Il voit le sang couler, il a du mal à réaliser que c’est le sien. Mais la douleur elle est bien sienne, aucun doute là-dessus. Il respire longuement, parce qu’il parait que ça aide à mieux la supporter. Il puise dans les tréfonds de l’énergie qui lui reste pour lever les yeux sur cette femme qui semble vouloir lui venir en aide @Hope Flaherty . Il croit qu’elle lui a demandé de s’asseoir, et s’il n’a aucune envie de bouger, il tente quand même de lui obéir, parce qu’elle semble bien mieux savoir que lui comment réagir face à un coup de couteau dans une jambe. Il grimace, une plainte lui échappe, mais le voilà les fesses au sol, la jambe tendue en espérant que le pire est passé. « Ouais bien sûr allez-y… merci. » Évidemment il lui donne le feu vert pour l’examiner. Elle doit être médecin. Il a de la chance. Son soulagement l’aide à reprendre ses esprits. Ça va aller.

Plus rassurant encore, des sirènes retentissent comme pour leur confirmer qu’ils ne sont plus seuls. Malgré tout le stripteaser pose la question que personne ne veut formuler à voix haute. « Vous êtes sûrs qu’il est parti ? » Il a du mal à croire que tout est fini. Peut-être qu’ils pourraient s’abriter ? L’idée de rester dans cette ruelle n’est clairement pas son option favorite. Surtout maintenant qu’il regarde vraiment autour de lui et qu’il se rend compte du nombre de blessés. Il était trop focalisé sur lui-même pour s’en rendre compte avant. Mais désormais s’ils veulent que cette soirée ne s’empire pas, seul le pragmatisme peut les sauver. « On devrait bouger de là. » Marcher avec sa jambe en sale état va être une vraie partie de plaisir. « Si la police est là, les secours ne doivent pas être loin. » Sauf que quelqu’un affirme en retour que la rue est bloquée. C’est comme un immense poids qui tombe sur les épaules de Sasha qui n’a aucune envie d’être pris au piège ici. Il veut que lui et les autres se fassent soigner, il veut tout oublier et rentrer chez lui. Il veut fuir loin de ce corps inanimé, parce qu’il a très bien compris que l’homme était mort. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant… ? » C’est un soupir suppliant, il espère que quelqu’un va prendre les choses en main, leur dire quoi faire. Il n’arrive pas à réfléchir. Aidez nous…