Impossible de savoir comment j'avais atterri sur cette découverte — je me souvenais simplement être passée devant l'agence Human Real Estate un jour avant d'avoir mon attention attirée par ce nom un autre jour dans une pub ou un article et de fil en aiguille, j'avais découvert que l'homme qui y travaillait cachait (ou pas ?) une carrière de star de la chanson, qu'il avait aujourd'hui laissée derrière lui. Une histoire singulière — de chanteur et musicien à agent immobilier, il n'y avait pas nécessairement une route directe — qui avait bien évidemment piquée ma curiosité insatiable. C'était ce que je préférais dans les journalisme : les histoires de vies. Les gens qui avaient traversé des choses incroyables, des histoires hors du commun, et même sans que cela soit extraordinaire, ceux qui avaient des choses à raconter, ceux qui avaient vécu plusieurs vies, ceux dont les petits détails attiraient l'attention. Typiquement, ce TJ Mikaelson en faisait partie. Et depuis que cette petite idée avait pris forme dans mon cerveau, je ne pouvais plus l'en déloger.

Du coup, j'avais contacté Mikaelson par l'agence, en trouvant son contact sur leur site pro. Rapidement je m'étais présentée : étudiante en journalisme, passionnée d'écriture, de gens, d'histoires en tout genre, j'étais très intéressée par son parcours et s'il l'acceptait, j'aurais volontiers écrit son portrait pour le journal de l'université dont je m'occupais à fond. Ce n'était rien d'officiel, c'était pour mes cours et pour les étudiants, il n'avait rien à craindre s'il souhaitait rester incognito. Il avait fini par accepté et je lui avais donné rendez-vous au Jackson Square, selon l'heure et le jour qui l'arrangeaient.

Le jour J, j'avais glissé dans mon sac le strict minimum, mon carnet, deux stylos et mes affaires, et j'étais allée vadrouiller un peu dans le Centre avant de me rendre devant le square, à l'entrée. Évidemment en avance, j'avais attendu quelques minutes avant qu'il arrive. Sa silhouette s'était détachée alors, après un peu de temps, et je m'avançai vers lui. « Bonjour Monsieur ! Je suis Faith, enchantée » En toute logique j'avais pris les devants : je connaissais son visage même s'il était plus âgé maintenant que sur les images de quand il était musicien, mais lui, à moins qu'il ait googlé mon nom, il ne me connaissait pas. « Je suis vraiment ravie de vous rencontrer ! Vous allez bien ? » Un sourire accompagna ma question. « Si je vous ai donné rendez-vous ici c'est qu'on peut se promener dans le square, le long du fleuve et se poser sur un banc ; ou bien on peut aussi aller s'installer en terrasse d'un café là, juste à côté au coin de la rue. Il y a des gens qui préfèrent marcher quand ils parlent, d'autres qui préfèrent être tranquillement installés. C'est comme vous voulez ! » Après tout, c'était à lui de choisir, puisque c'était lui qui m'accordait de son temps.

➳FEAT. @TJ Mikaelson     

TJ Mikaelson me salua chaleureusement et me parut d'emblée sympathique — mes premières intuitions étaient souvent les bonnes. Je ressentais un excellent feeling avec lui, ce qui était prometteur pour la suite de cet entretien. « Enchanté Faith, appelez-moi TJ, je vous en prie ! » Je hochai la tête en acceptant, c'était bien plus simple de l'appeler par son prénom que de lui donner du Monsieur à tour de bras. « Le plaisir est partagé, je vais très bien merci et vous ? » « Parfaitement ! Et je suis ravie de passer un peu de temps à apprendre à vous connaître » continuai-je sur le ton de la conversation, dans l'idée de le mettre à l'aise tout autant que je l'étais.

Lui laissant ensuite le choix de la forme de notre petite promenade, j'attendis sa réponse. « Nous pourrions marcher un moment et nous poser sur un banc lorsque la fatigue se fera ressentir, si cela ne vous gêne pas dans votre travail ! » Ça m'allait parfaitement. Remontant la bretelle de mon sac sur mon épaule, lui indiquant d'un petit mouvement que l'on pouvait se mettre en route. « Entendu ! On pourrait commencer par longer le fleuve un peu, les rives sont encore belles en cette saison » précisai-je. J'aimais bien marcher le long de l'eau, ça m'aidait toujours à réfléchir. « Est-ce que ça vous dérange si j'enregistre la conversation ? Ça ne sera utilisé pour rien d'autre que pour m'aider à écrire si un détail de ce dont on a parlé m'échappe ! » précisai-je, lui laissant encore le choix. J'avais une très bonne mémoire et de toute façon je prenais des notes sur le coup ou juste après donc tout était encore frais dans ma tête, mais je préférais avoir toujours une solution de repli, au cas où.

« Vous savez que j'ai découvert votre nom par le plus grand des hasards ? En passant devant votre agence et en faisant le rapprochement avec un article que j'avais lu il y a longtemps. C'est amusant, comme coïncidence ! En tout cas, votre chemin de vie m'a paru très intéressant. J'ai plein de questions à vous poser, mais je vais essayer de commencer par les plus simples. Peut-être pourriez-vous me dire d'où vous venez, pour commencer ? Vous êtes d'ici ? Et si vous n'êtes pas d'ici, pourquoi avoir choisi La Nouvelle-Orléans ? » lançai-je alors que nous cheminions tranquillement.

➳FEAT. @TJ Mikaelson     

J'étais ravie qu'il accepte de marcher un peu, car l'action stimulait toujours mieux mon cerveau. En l'occurrence, l'exercice n'était pas difficile. Non seulement cet homme m'intéressait mais en plus il attisait ma curiosité, alors comme j'avais préparé cet interview, les questions fusaient déjà de toutes parts dans mon cerveau. « Ça ne me dérange absolument pas, je trouve ça même plus pratique pour vous ! Surtout en marchant, noté ne le saurait pas et puis… Comme je parle beaucoup… Vous n'aurez peut-être pas le temps de tout noté ! » Je le remerciai d'un sourire et enclenchai l'enregistreur, m'assurant qu'il était bien en route, avant de le caler dans la poche haute de mon sac. « Parler beaucoup n'est pas un défaut, au contraire ! Surtout dans ce genre de situation » dis-je avec un air entendu. C'était bien plus dur d'interviewer quelqu'un de renfermé, à qui il fallait tirer les vers du nez. Mais j'avais sentie d'emblée que TJ n'était pas ce genre là. Il était sympathique et avenant, et avait visiblement une foule de choses à dire.

« C’est marrant de me dire que j’ai pu marquer un petit peu votre esprit, alors, pour que vous puissiez faire le rapprochement ! Je ne suis pas originaire d’ici, je viens de Los Angeles, j’y suis né, j’y ai grandi et c’est seulement depuis 20 ans que je vis ici… On peut dire que j’ai faits la moitié de ma vie, ici et l’autre là-bas au final !Je suis venue ici après avoir épousé la femme de ma vie. Nous voulions tout recommencer à 0… Changer de vie totalement pour diverses raisons et puis cette ville est magique, toujours vivante et elle a un charme fou je trouve, à chaque coin de rue, elle nous paraissait évidente ! Et vous ?... Pardon je sais que c'est autour de moi, mais je ne peux m'empêcher de m'intéresser également à vous, je suis un peu curieux ! » À mon tour d'être interrogée ; j'eus un petit signe de la main pour lui indiquer de ne pas s'inquiéter. Bien entendu nous étions là pour lui, mais je n'avais rien contre un échange, surtout que ça mettait généralement les gens plus à l'aise. « Est-ce que vous diriez que Los Angeles a joué pour quelque chose dans votre carrière musicale, à l'époque ? Est-ce que ça a influencé vos choix de vie et même vos choix musicaux ? » Los Angeles, pour le milieu de la scène, était un atout et ouvrait plein de portes. « Et je suis bien d'accord avec vous pour cette ville. J'ai pour ma part grandi à New York et je me suis longtemps définie comme une véritable new-yorkaise dans l'âme, j'ai quitté ma ville à regrets... Mais en réalité, ça fait presque dix ans que j'habite ici maintenant et je me suis laissée prendre au charme de La Nouvelle-Orléans. Alors, je vous comprends totalement. Il y a une âme ici qu'on ne retrouve nulle part ailleurs ! » Oui, il faisait très bon vivre par ici, à bien des égards. J'eus un sourire songeur, un peu nostalgique aussi. « Mais du coup, je ne peux pas m'empêcher de vous poser cette question, parce que la musique et la Nouvelle-Orléans sont intimement liées. Avez-vous vraiment choisi cette ville par hasard ? Et à l'époque, comment s'est passé votre changement de vie professionnelle ? » J'imagine qu'il devait bien y avoir une raison pour qu'il se range dans un métier plus posé.

➳FEAT. @TJ Mikaelson     

« Je pense que cela serait mentir de dire que Los Angeles ne m’a pas aidé, je pense qu’il y a milles et un moyens là-bas, de réussir et d’entrer par la grande porte… Je dois dire aussi que je pense avoir eu beaucoup de chance. J’ai été repéré très rapidement et dans une grande ville, les choses peuvent aller très vite si l’on travaille avec les bonnes personnes ce fut mon cas… » Je hochai doucement la tête en l'écoutant, signe non seulement que je suivais son récit mais que je me rangeais de son côté. TJ avait raison, il y avait, en plus du talent, une question de chance dans tout cela, qu'il s'agisse de milieu, de famille, de rencontres. J'étais bien placée pour le savoir, puisque la famille Fitzgerald avait l'argent, la réussite et la renommée. Et j'étais parfaitement des portes que cela pouvait ouvrir. « Je pense qu’à l’époque je n’avais pas non plus vraiment mon mot à dire, bien évidement j’ai pu faire ce que j’aimais, mais… J’ai été vraiment guidé et je n’ai pas toujours eu le dernier mot non plus ! » Une carrière assez encadrée, donc, loin de celles qui fleurissaient par ici, ou du moins de celles dont j'avais entendu parler, propulsées par la scène de la Nouvelle-Orléans. « Vous pensez que si vous aviez plus eu le droit de vous exprimer, vous auriez eu un début de carrière différent ? Vous auriez choisi un autre style, qu'est-ce qui aurait changé ? » C'était facile à dire que l'on pouvait changer les choses alors qu'elles s'étaient déjà déroulées, mais j'aimais cet exercice qui permettait de sonder les rêves et les désirs de chacun.

« La Nouvelle-Orléans a eu nos coeurs ! » C'était bien résumé, et je souris avec lui. Cette ville que j'avais détestée au début, parce qu'elle m'avait arrachée à la mienne, avait remis toute ma vie en perspective. « C’est vrai que je n’ai pas totalement posé mon doigt sur un globe et hop… On est partis ici. Non, bien évidement la musique a tout de même jouer dans notre choix au début, mais à ce moment-là je savais que je ne pourrais pas continuer… En fait, ma femme avait déjà deux enfants et nous venions d’en avoir ensemble, on avait besoin de revenus stable, elle avait besoin que je sois présent pour elle alors… J’ai décidé par choix, pour elle également, de tout arrêter, de trouver quelque chose "de plus sage". » Prenant mentalement des notes, je me demandais évidemment ce qu'il voulait bien entendre par plus sage. « Je ne regrette pas mon choix, même si je dois dire que la musique me manque cruellement. » Ça se sentait, à la manière dont il en parlait. « Je comprends. C'est un choix très noble que vous avez fait, la famille compte plus que tout pour moi alors je ne peux qu'être sensible à cela. Mais qu'est-ce que vous entendez exactement par plus sage ? Le monde de la musique est assez vaste pour que vous trouviez peut-être des possibilités d'avoir un équilibre entre votre métier et votre vie familiale ? » Je ne m'y connaissais pas des masses mais je savais qu'on pouvait aussi trouver des alternatives. J'étais juste curieuse de son cheminement de pensée. « Quel âge ont vos enfants ? » rajoutai-je avec un sourire, c'était plus par intérêt personnel que pour l'interview, j'adorais les enfants et notre maison vivait au rythme des rires et de l'énergie de tous mes cousins.

➳FEAT. @TJ Mikaelson     

TJ paraissait de fort bonne humeur et je l'étais aussi, portée par cette conversation qui en effet avait bien plus l'air d'une conversation entre deux personnes qui apparenaient à se connaître que d'un interview. Mais c'était tant mieux : c'était exactement e genre de relation de confiance que j'essayais d'instaurer dans ces moments-là. « Excellentes questions. En réalité je pense que je serais resté dans ce style, parce que c’est ce que j’aime, mais j’aurais sûrement mis davantage ma musique en avant plus que mon physique. Cela était vendeur… Je ne dis pas cela pour me vanter ou quoique se soit, mais c’était ce qui était mis de l’avant dans mes tenues, dans les clips… Cependant je dis tout ça avec le recule, le TJ de 16 ans aurait surement dit autre chose, c’est difficile ! » Je hochai la tête, pensive. C'était une réponse que je n'avais pas envisagée. J'avais pensé au fait qu'il n'avait pas été libre de ses choix mais sur le plan musical, plus que sur cet aspect là. Qui plus est c'était quelque chose qui m'apparaissait plutôt féminin, mais visiblement dans ce genre d'industrie les hommes aussi pouvaient être réduits à leur image. « Je vois... C'est intéressant. C'est triste de se dire que votre talent musical n'était pas ce qui intéressait le plus mais j'imagine que ça fait partie aussi de cette industrie, n'est-ce pas ? Et oui, à 16 ans, on n'a pas forcément le recul nécessaire... Vous le viviez comment, à cette époque ? Vous étiez heureux de votre situation ? » J'imaginais aisément qu'un adolescent qui vivait cette expérience avait potentiellement des paillettes dans les yeux.

Nous nous mîmes ensuite à parler de famille, de ce choix qu'il avait fait de changer de vie. « Je n’aurais pas pu, Francesca avait besoin de quelqu’un présent pour elle, quelqu’un qui était là et qui pouvait la rassurer et surtout prendre les choses en mains. Je ne voulais pas qu’elle pense que je puisse… Partir soudainement, du jour au lendemain et qu’elle doive se débrouiller seule... C’était le risque avec le métier, les tournées et les absences pendant plusieurs semaines voir mois. Je voulais voir les enfants grandir et surtout lui montrer que je serais là, chaque soir, avec elle. » Hochant la tête, je souris en pensant que c'était un choix que Megane aurait pu faire. Ma tante était carriériste, une vraie working-woman, mais elle prenait également soin de garder du temps pour sa famille et j'étais certaine que si son travail avait dû prendre le dessus, elle n'aurait pas accepter non plus. Je souris à TJ. J'étais particulièrement sensible à tout cela, évidemment.

« Alors Liam le premier fils de ma femme à 31 ans aujourd’hui, sa fille Lizzie en a 28, notre premier fils, Lewis à 22 ans, ensuite on a eu deux filles Ruby qui a 14 ans et Rosanna qui en a 11 et notre premier dernier, Léo qui a 7 ans maintenant ! J’avouerais que pour celui-ci je me suis battu ! » Sourire qui s'agrandit : « Oh, vous êtes une famille recomposée ! » Voilà pourquoi je me sentais proche de lui dans son récit. « Ma famille aussi... D'une certaine manière. Ce n'est pas conventionnel mais je trouve que ça fait les familles les plus soudées qui soit ! » dis-je en m'écartant un peu du sujet principal. Nous n'étions pas là pour parler de moi. « Je comprends, en tout cas, votre choix. Et j'admire les personnes qui sont capables de faire un tel choix sans avoir l'impression de faire un sacrifice qu'on devra leur rembourser tôt ou tard. » Il avait l'air parfaitement heureux. « Maintenant dites-moi, comment est votre travail actuel ? Qu'est-ce qui vous plait ou ne vous plait pas, et surtout, quelle place à la musique dans votre vie aujourd'hui ? » Remettant un peu d'ordre dans mes pensées, je rajoutai une petite question : « Est-ce que vous transmettez la passion de la musique à vos enfants ? »

➳FEAT. @TJ Mikaelson     

Quelque part, on avait plus l'habitude de ce genre de récit à propos de jeunes femmes, mises en avant pour leur physique avant le reste, alors c'était surprenant de l'entendre raconter cela, et révoltant tout autant. Encore plus aujourd'hui, avec le recul, qu'il ne pouvait pas forcément avoir à l'époque, comme TJ le disait lui-même. Je pinçai les lèvres, navrée pour lui d'entendre tout cela. Mais c'était un point très intéressant que je me devais de noter, évidemment. Si l'on avait misé bien plus sur son talent, la suite de son histoire aurait peut-être été très différente. « Vous pensez que c'était dû à quoi ? À votre label, votre producteur ? Ou bien à l'époque ? Ou à votre genre de musique, votre cible de public ? » Pour le coup, je n'avais pas de connaissances assez précises dans le milieu complexe de la musique et du show-business pour en faire une analyse pertinente sans son aide.

Nous nous sourîmes en retour, à propos de nos familles respectives, et je hochai la tête. Puisqu'il m'invita à en dire plus, je n'hésitai pas. Non seulement un interview pouvait aussi être un échange, mais en plus j'étais contente de partager cela avec lui. « En fait, je n'ai pas connu mes parents, ils sont décédés lorsque j'avais un an. C'est mes grands-parents, les parents de mon père, qui m'ont récupérée et c'est ensuite ma tante Megane qui s'est occupée de moi. C'est elle qui m'a élevée et qui a toujours été ma maman de coeur. On a habité à New York, et on est ici depuis plusieurs années à présent. "On", c'est mes deux tantes et moi et leurs enfants ! Elles ne sont plus avec les pères toutes les deux, alors on forme un petit foyer très uni, de mamans et d'enfants, c'est particulier, mais c'est notre famille. Récemment, mon oncle est également revenu à La Nouvelle-Orléans. » Je passai sous silence les problèmes qu'avaient traversé Declan et m'arrêtai là, c'était déjà un beau portrait de la famille Fitzgerald.

Pour la suite, évidemment, je voulais en savoir plus sur sa vie actuelle, son travail. « Evidement ! Parfois je pense même que je les embête un peu trop avec ça, mais j’ai toujours fait en sorte que la musique fasse partie intégrante de leur vie, comme elle a pu le faire pour moi durant mon enfance. » Je souris, secouai la tête. « Je suis sûre que si vous êtes passionnés, vous ne les embêtez pas tant que ça au fond, même s'ils disent ça pour vous embêter ! Et l'en d'entre eux n'a pas envie d'en faire sa carrière ? » Après tout, ce n'était pas rare, des enfants de stars de la musique qui se laissaient tenter à leur tour. « Je suis donc aujourd’hui agent immobilier et je dois dire que j’adore pouvoir trouver l’habitation de rêve de mes clients. Voir leurs yeux briller c’est extrêmement gratifiant pour moi. En fait rendre les gens heureux, que cela soit par la musique, ou par le fait de trouver leur « chez eux » cela me rend heureux. Cependant… » Je le laissai poursuivre. « Je dois avouer que la musique n’a pas autant de places que je le désirais aujourd’hui. La scène me manque… Énormément. » Je m'en étais doutée, à vrai dire. Il y avait quelque chose chez lui qui s'animait lorsqu'il parlait de musique, comme quand il parlait de sa famille. « C'est drôle, tout ce que vous faites finalement, c'est pour apporter un peu de bonheur aux gens ! » Il venait de lui dire, je ne l'inventais pas. « Qu'est-ce qui vous empêcherait de reprendre un peu le chemin de la scène ? Même de manière différente, ou moins intense ? Nous sommes dans une ville où beaucoup de gens jouent ou chantent dans des bars, des scènes ouvertes... Qu'est-ce qui vous retient ? »

➳FEAT. @TJ Mikaelson     

« C’est une très bonne question ! Ma cible je pense. Je me devais de viser les jeunes femmes de mon âge et on sait par quoi son souvent guidés les adolescents et adolescentes ! » Je hochai la tête, car effectivement, et malheureusement, les gens de cet âge-là était souvent réduit à cela. Je voyais très bien comment on avait essayé de faire de lui un produit et par quel angle cela avait été fait, c’était chose courante dans ce genre de milieu. Quitte à mettre de côté même le talent réel de la personne. Mais je trouvais cela bien qu’il en parle ouvertement à présent, et cette information avait aussi sa place dans mon article, même si j’allais bien sûr voir avec lui si c’était un détail qu’il voulait laisser public.
Comme TJ m’avait demandé des questions sur ma famille, je lui répondis avec plaisir, laissant pour un temps l’interview de côté. Puisque lui aussi comprenait la complexité et la force des familles recomposées, j’étais contente de pouvoir partager ça avec lui. « Le plus important là-dedans c’est que vous vous êtes sentie aimée… L’amour a un pouvoir immense ! » Je lui répondis avec un sourire resplendissant. Aimée, je l’avais toujours été, par mes grands-parents, mes tantes, mon oncle. En réalité, le fait de ne jamais avoir connu mes parents était certes quelque chose qui ne me quitterait jamais, mais puisque je ne les avais pas assez connus pour m’en souvenir, mes vrais parents étaient finalement ces personnes qui m’avaient aimée, éduquée. Et Megane, qui était plus ma mère que ma tante. « Oui, je crois que c’est tout simplement le plus important. Et je n’ai pas à me plaindre de ce côté-là, alors même si notre histoire est compliquée et comporte des drames, je ne l’échangerai pour rien au monde ! » Les épreuves n’avaient pas toujours été faciles à surmonter, mais j’étais fière de moi aujourd’hui, car j’avais parcouru un sacré chemin.

« Mon premier né n’est pas du tout intéressé par ce monde-ci, cependant mes filles plus… Ou en tout cas la première, Ruby, elle apprend la guitare en ce moment et à une très jolie voix ! Quant à mes deux autres enfants, l’un est trop jeune et mon autre fille semble plus intéressée par le monde de Youtube ! » Je me mis à rire aux mots de TJ, il parlait de ses enfants avec des étoiles dans les yeux. « Oh, vous devez être fier en entendant Ruby tout de même ! Si c’est elle qui choisit cette voie d’elle-même, c’est tant mieux. Tout le monde n’a pas besoin de faire comme ses parents ! » ajoutai-je d’un ton léger. Ca devait être intéressant, et drôle à la fois, de voir ses enfants grandir et se découvrir des passions qui leur étaient propres. Etant donné le caractère de TJ, j’étais certaine qu’il laissait ses enfants s’épanouir sans aucune contrainte.

« C’est vrai… Pour moi, c’est important d’apporter du bonheur aux gens, s’ils sont heureux alors ils apporteront eux-même du bonheur à d’autres. Cela pourrait paraître idéaliste ou un peu simplet, mais… C’est ce que je pense sincèrement. » « Pas simplet du tout, non, au contraire ! Pour moi c’est une force de penser ainsi, ça fait de vous quelqu’un de bien et de sincère, et ce sont des qualités que je trouve très importantes. » Pour moi c’était même l’essentiel, et je sentais bien que TJ était de ces personnes-là, fondamentalement gentilles, ce qui rendait à mes yeux cet interview encore plus intéressant et important. « Comment se passe votre métier, du coup ? Vous établissez un cahier des charges avec vos clients et vous leur dénichez la perle rare ? Ou bien vous les accompagnez pendant leurs visites pour voir ce qu’ils désirent vraiment ? » C’était un milieu assez flou pour moi, alors autant qu’il me l’explique avec ses propres mots de professionnel.

Comme on était revenu un instant sur la musique, j’en profitais pour poser la question qui me trottait dans la tête. Il parut hésiter quelques instants avant de répondre. « La peur certainement… Celle de me relancer, seul… À mon âge… Peur que le public ne suive pas... » Touchée qu’il ose me dire cela, je lui lançai un sourire plein de soutien. « En vérité, si il y a bien quelque chose que La Nouvelle-Orléans nous prouve, c’est que la musique n’a ni âge ni style ! Tout le monde peut trouver sa voie, je pense. Dans votre cas je comprends que ce soit difficile à appréhender vue votre carrière passée mais je pense que si vous vous posez vraiment la question, votre âge ne sera pas un problème. Ce sera un nouveau public, vous aurez plus de libertés, etc. A mon tour d’être sans doute idéaliste, mais j’ai envie de croire que tout est possible ! » Bien sûr que cela faisait peur de se lancer dans n’importe quoi, de prendre des risques, mais la peur était aussi quelque chose qui donnait des ailes, et j’avais suffisamment travailler sur les peurs profondes ancrées en moi pour en savoir quelque chose.

➳FEAT. @TJ Mikaelson     

« Je dirais que ta phrase finale est une belle conclusion à tout ça. Qu’importe les difficultés, tant que l’amour est là… Alors tout est possible ! » Nous étions bien d’accord sur ce point, j’étais certaine qu’au cœur de sa famille comme de la mienne, l’amour était la chose la plus importante. J’imaginais aisément que ses enfants devaient être heureux, car peu importe les épreuves de la vie, tant que les parents étaient bienveillants avec leurs enfants, on se sentait en sécurité. « Je l’avoue, j’ai une certaine fierté de la voir faire, de la voir évoluer et elle sait que je serais toujours là pour l’aiguiller. Je ferais en sorte qu’elle ne fasse pas mes erreurs si son chemin doit passer par là où est passé le mien ! Mais je suis tout aussi fier et présent pour mes autres enfants, en effet, c’est important qu’ils trouvent quelque chose dans lequel évoluer et qui les rendra heureux ! » Je pensais à mes cousins adorés, tout en me disant que cet interview prenait des chemins beaucoup plus personnels que prévu. Parfois je me surprenais à imaginer ce que deviendrait Maelle, Jude et Camille, dans 10 ou 20 ans. Ils avaient leurs passions aujourd’hui mais ils étaient petits, et tout pouvait encore évoluer de bien des manières. « Outre Ruby, vos enfants ont déjà des passions très affirmées ? » C’était par simple curiosité. J’eus une pensée pleine de tendresse pour Maelle qui faisait toujours les choses à fond quand elle découvrait quelque chose, mais qui pouvait l’abandonner après quelques semaines.

Au sujet de son travail actuel, j’avais une foule de questions. Ce n’était pas un métier que je connaissais, et je le trouvais intriguant. « J’ai plusieurs rendez-vous avec mes clients afin de cerner au mieux leurs demandes et leur maison de rêve ensuite on visite plusieurs endroits jusqu’à trouver la perle rare ! » Hochant la tête, je réfléchis quelques instants avant de demander avec un petit sourire : « Est-ce que vous avez déjà eu des demandes improbables ? Des gens qui souhaitent des choses étranges ou bien très originales ? » Plus les gens avaient de l’argent et plus ils pouvaient être du genre à demander l’impossible, j’avais pu le constater.

« Alors sachez que votre idéalisme me rend le sourire. Cela revient à notre conversation d’un peu plus tôt. Rien n’est impossible avec l’amour, n’est-ce pas ? » Je souris de nouveau. C’était effectivement ce que je ressentais au plus profond de moi. « Absolument ! Et encore plus dans une ville comme celle-là ! » C’était peut-être de l’idéalisme trop poussé mais j’aimais à croire que j’avais un peu raison tout de même. « Vous êtes déjà allés à des petits concerts dans le coin, ou dans les bars avec des scènes ouvertes ? Parfois, on y fait des découvertes vraiment incroyables ! » Je me doutais qu’entre son travail et sa vie de famille il ne devait pas avoir beaucoup de soirées de libre, mais il y avait aussi moyen de faire beaucoup de choses en famille par ici.

➳FEAT. @TJ Mikaelson